L'histoire : L'histoire de deux flics lâchés par leur petite amie. Le matricule 223 qui se promet de tomber amoureux de la première femme qui entrera dans un bar a Chungking House ou il noie son chagrin. Le matricule 663, qui chaque soir passe au Midnight Express, un fast-food du quartier de Lan Kwai Fong, acheter a la jolie Faye une "Chef Salad" qu'il destine a sa belle, une hôtesse de l'air.
Critique subjective :
Dès le lancement de l’interface du DVD, on embarque pour un vol long-courrier avec le commandant de bord Wong Kar-Wai sur une interprétation du titre Dreams des cranberries chanté par Faye Wong qui est aussi une chanteuse à succès (la même Faye amoureuse de Mr.663).
In the mood for love a fait connaître Wong Kar-Wai du plus grand nombre en Europe et en a fait dans le même temps un cinéaste apprécié d’un large public. Depuis ce succès en France et ailleurs, le film
2046 (2004), une variation futuriste de In the mood for Love est venu conforter la figure de cinéaste que se forge le réalisateur depuis plusieurs années. L'immense succès de Chungking Express (1994), son quatrième long métrage, lui a permis d'accéder au statut de réalisateur culte. Les spectateurs ont alors réévalué à la hausse ses films antérieurs, As tears go by (1988), Nos années sauvages (1991) dans lequel joue
Maggie Cheung et Les cendres du temps (1994).
Happy together (1997) lui a valu le Prix de la Mise scène au festival de Cannes en Cannes 1997. Avec le succès Wong Kar-Wai voit s’ouvrir devant lui un avenir riche en réalisation d’envergures avec Eros, un drame érotique en trois parties : The Hand (Shou) réalisé par Wong Kar-Wai, Equilibrium signé
Steven Soderbergh, Il filo pericoloso delle cose de
Michelangelo Antonioni et un autre projet qui sera sans doute très attendu puisqu’il s’agit d’une collaboration avec
Nicole Kidman dans The Lady from Shanghai (2005) dont la production devrait vraiment démarrer en 2006.
Avec Nos années sauvages (1991) on retrouve aussi
Tony Leung Chiu-Wai, l’acteur fétiche de Wong Kar-Wai. La filmographie de Tony Leung se confond avec celle de Wong Kar-Wai pour lequel l’amoureux de In the mood for love qui lui a valu le Prix d'interprétation masculin du Festival de Cannes 2000, et il a figuré à l’affiche de 6 de ses films (Nos années sauvages (1991), Les cendres du temps (1994), Chungking Express (1994),
Happy together (1997), In the mood for love (2000) et 2046 (2003)). Il a pas ailleurs tourné avec Cyclo de Tran Anh Hung(1995) ou des réalisateurs tels que
Tsui Hark pour Histoire de fantômes chinois 3 (1991),
Zhang Yimou pour Hero (2003) ou Andrew Lau et Alan Mak dans les Infernal Affairs (2004).
Chunking Express, un garçon aime une fille, une fille aime un garçon est le film qui a fait connaître Wong Kar-Wai en France et qui serait (avant In The Mood For Love) son plus gros succès public, qui le révèle au niveau international et lui vaut le surnom de Quentin Tarantino Chinois. Il est vrai que Wong Kar-Wai partage avec
Quentin Tarantino un instinct ou un talent pour choisir la musique qui viendra se marier avec les images du film. On retrouve l’excellent travail de lumière que le réalisateur doit pour l’essentiel à Christopher Doyle, son directeur de la photographie favoris, qui a travaillé sur Nos années sauvages (1991), Les cendres du temps (1994), Chungking Express (1994), In the Mood for Love (2000), Hero (2002), Eros (2003) et 2046 (2003).
Pendant la post-production des Cendres du temps, Wong Kar-Wai décide de concrétiser un vieux projet et de revenir à l'essence du cinéma en filmant simplement des personnages dans le Hong Kong contemporain : la nuit, il tourne fiévreusement sans aucune autorisation et caméra à l'épaule dans le quartier de son enfance, Tsim Sha Tsui. Avec ce film, le cinéaste recrée l'environnement qu'il avait connu enfant à Hong Kong, celui des chinois quittant la Chine en 1949 au moment de l'arrivée des communistes au pouvoir. Le film est tourné très vite et comme pour compenser cette vitesse du tournage, Wong Kar-Wai utilise le ralenti et un habillage musical pour mettre à l’index les moments particuliers où les sentiments peuvent se consolider.
Tout peut se passer en quelques secondes comme à la 39ème minute ; une image se fige et une musique démarre pour faire basculer l’image d’une histoire à une autre, un homme croise une femme qui sera amoureuse d’un autre quelques 6 heures plus tard. Ceci survient, à la 40ème minute où l’histoire passe du matricule 623 qui croise le regard de Faye et dont il dit qu’elle est à 1 millimètre de lui au matricule 663 qui est aussi désigné par le matricule 633 par moment (sur la lettre de Faye il s’appelle Mr. 633). Les personnages essaient de marquer les événements par des repères temporels qui résonnent dans l’espace électrique de la ville comme des chiffres mystérieux qui finissent par perdre leur sens. Les chiffres se répondent comme dans
2046 (2004), le matricule 623 court seul sous la pluie alors qu’il fête ses 25 ans puis donne son identifiant Ac368 et son code « je t’aimerai 10 000 ans ». Son ami de la chambre 702 lui a laissé un message où elle lui souhaite un joyeux anniversaire, le 1er mai 1994. Il pense que si on décidait de mettre les souvenirs en boite, il y indiquerait la date de validité de 10 000 ans pour qu’ils ne soient jamais périmés.
Dans le même ordre d’idée et comme on le retrouve dans 2046, le film-somme où on sent poindre le cristal de Wong Kar-Wai qui convoque plusieurs de ses personnages, obsessions et thèmes, le réalisateur réussit à créer un réseau de signes qui ne relèvent ni totalement de la métaphore ni vraiment du symbolisme. Et que penser de cette image sublime, raccourcis poétique fulgurant où la chemise prend l’air sur fond de ciel bleu coupé par un avion. Les objets font parti d’agencements qui sont des blocs d’émotions traduisant les sensations des personnages tandis que la musique permet de donner aux spectateurs des émotions immédiates. Ainsi, Tony Leung Chiu-Wai parle à une serviette émotionnelle, un savon qui grossit, une maison qui pleure à propos de laquelle il dit que c’est beaucoup de travail. La musique est une émotion directe et tout est émotionnel dans Chungking Express même les objets à qui les personnages parlent.
De Chungking Express découlera, Les Anges Déchus (1995), un film qui devait en être la troisième partie supprimée pour cause de longueur. Le dispositif narratif est d’ailleurs le même que dans Chungking Express. Plusieurs histoires sont racontées tant et si bien que la ressemblance entre les situations ou entre les personnages peuvent dérouter la première fois. Le film est un peu à l’image des lieux convoqués pour inscrire les histoires. Des comptoirs de sandwicherie, des bars, une hôtesse de l’air, un avion miniature que Mr. 663 puis Faye s’amuseront à faire voler dans l’appartement de Mr. 663. Ce dernier dira d’ailleurs en rangeant les affaires de son ex-petite amie dans un carton, qu’il doit nettoyer la piste pour le prochain vol après sa séparation d’avec sa jolie fiancée (Valérie Chow) qui a annulé le vol.
Que change une journée, 24 heures à travers la pluie puisque ma différence c’est toi comme le chante
Ella Fitzgerald dans What a difference a day makes, la différence du matricule 663 et de Faye c’est eux-mêmes l’un pour l’autre, l’un à l’autre. Chez Wong Kar-Wai tout semble ramener au couple enrobé de la
chanson California Dreamin' de The Mamas & The Papas.
Verdict :
Cette édition simple de Chungking Express est l’occasion pour ceux qui ne désiraient pas acheter le coffret La révolution Wong Kar-Wai d’acquérir le film avec une qualité équivalente à celle de la copie présente dans le coffret. Chungking express est un des tout meilleurs films de Wong Kar-Wai, celui où il joue peut-être le plus librement et avec plus de spontanéité. Un film à découvrir, redécouvrir avant de rebondir sur In the mood for love et 2046 en savourant les bandes originales concocter par le réalisateur toujours attaché aux années 60 et à Hong Kong.