L’histoire :
Dans le désert, un homme met en relation clients désireux de faire disparaître quelqu’un et tueurs à gages triés sur le volet.
Critique subjective :
Une fois tourné, monté et distribué, un long-métrage échappe à ses créateurs, prend son envol. Et pourtant, nombreux sont les réalisateurs qui souhaiteraient pouvoir remanier leurs œuvres. La plupart s’en abstient mais certains franchissent le pas (Coppola étoffe Apocalypse now, Lucas massacre la première trilogie Star wars). En 2008, c’est Wong Kar Wai qui succombe à la tentation, livrant une nouvelle mouture des Cendres du temps, estampillée d’une mention « redux ».
Pourquoi diable retoucher un film tourné il y a plus de quinze ans ? Officiellement, deux raisons. Primo : lorsqu’il s’est agi de restaurer le métrage, le fait qu’une partie du matériel soit en trop mauvais état pour être exploitée a impliqué une restructuration de l’œuvre. Secundo : depuis la sortie du film (1994), plusieurs versions circulaient à l’international et une harmonisation s’avérait nécessaire pour aboutir à une unique version, approuvée par le réalisateur. En réalité, le principal moteur de ce redux tient sans doute au caractère maniaco-compulsif de Wong Kar Wai. Rappelons qu’il s’agit tout de même d’un cinéaste réputé pour ses tournages interminables (celui des Cendres du temps a duré deux ans) et connu pour ses remontages à répétition. Dès lors, il n’est guère étonnant que le réalisateur chinois ait voulu repasser son film sur la table de montage. Toujours est-il qu’on ne pourra pas lui reprocher une manœuvre mercantile, c’est déjà ça.
Basiquement, on retrouve le même film. Un wu xia pian (film d’épée chevaleresque) d’un genre particulier, une œuvre poétique sur l’oubli privilégiant une ambiance contemplative et reléguant les combats (chorégraphiés par Sammo Hung) à un niveau anecdotique. Ajouts discrets, coupes furtives et nous voici avec un film loin d’être fondamentalement remodelé. A noter que ces petits ajustements ne rendent d’ailleurs pas l’œuvre plus lisible. Les Cendres du temps reste un titre toujours aussi hermétique (l’intelligentsia intellectuelle dira plutôt « difficile » ou « exigeant » …). La plus-value de cette « nouvelle version » se situe en réalité à un niveau purement technique. La photographie « aride » de Christopher Doyle (In the mood for love, Hero, La jeune fille de l’eau) n’a jamais été aussi belle et la bande son, remaniée, trouve une nouvelle ampleur. Une qualité de visionnage nettement supérieure, voila le véritable apport de ce redux.
Verdict :
Magnifié par un lustre technique inédit, Les cendres du temps reste toutefois le même film, joli mais d’un ennui mortel.
Une qualité d’image inédite. On redécouvre le film dans des conditions optimales. Granuleuse, ultra contrastée, tour à tour douce (les bleus apaisants) et hyper agressive (teintes jaunes éblouissantes), la photographie de Christopher Doyle (associé à la restauration du film) est traitée avec les meilleurs égards. Un gros travail de restauration que ne dessert jamais un pressage DVD de très bonne facture.
Deux pistes sonores très satisfaisantes. Si, de prime abord, on est fort déçu de découvrir que seule la VF bénéficie du format 5.1, on se console avec une VO 2.0 tout à fait recommandable (limpide, bien répartie, dynamique et surtout très puissante). La piste VF la surclasse avec davantage d’ampleur (DD 5.1 oblige) mais nous contraint à supporter des doublages qui mettent une distance supplémentaire entre le spectateur et le film, ce dont il n’a clairement pas besoin.
- Making of (14 minutes) : Davantage une succession d’extraits d’interviews (réalisées lors du Festival de Cannes 2008) qu’un véritable making of. Les différents intervenants (réalisateurs, comédiens, directeur photo, …) évoquent la genèse du film, la mise en scène des combats, les conditions de tournage et la bande originale. Plutôt intéressant, comme l’ensemble des bonus présents dans cette édition.
- Interview de Wong Kar Wai (7 minutes) : Le réalisateur nous explique le pourquoi de cette nouvelle version et évoque le travail de restauration effectué sur l’image et le son.
- Interview de Christopher Doyle (19 minutes) : Sirotant une bière sur une plage cannoise, Doyle revient sur sa collaboration avec Wong Kar Wai, l’importance des décors naturels dans le film et la gestion visuelle de l’espace.
- Interview de Tony Leung (16 minutes) : Souvenirs embrumés du tournage et évocation des autres films tournés sous la direction de Wong Kar Wai.