Terry Gilliam sortait déjà d’un coup dur, avec le désastre du tournage de L’homme qui tua Don Quichotte (dont un documentaire retrace l’histoire, l’excellent
Lost in la mancha). Avec cette adaptation très libre des aventures des frères Grimm, le réalisateur ne comblera malheureusement pas ses fans.
L’ex Monthy Python (seul américain du groupe) nous avait habitué à un cinéma enlevé et plein d’imagination, de poésie et de grâce visuelle. Le tout saupoudré de folie douce. De
Brazil à Las Vegas Parano en passant par
l’Armée des 12 singes ou Fisher King, ses films ne rencontrent pas toujours le succès public (et pour cause, son style est trop particulier pour plaire à tout le monde), mais lui ont garanti un véritable succès d’estime. Mais voilà, ce problème de popularité a conduit les producteurs de ses Frères Grimm à imposer certains choix plus "commerciaux" au réalisateur, et le film y perd en originalité.
L'histoire :
Les frères Grimm sont des escrocs habiles et pleins d’imagination qui exploitent les légendes urbaines dans l’Allemagne sous occupation française du début du XIXe siècle. Jusqu’au jour où une légende s’avère fondée !
Critique subjective :Et pourtant, on avait envie d’y croire, malgré les rumeurs concernant le montage chaotique du film ! D’ailleurs Terry Gilliam lui-même n’accepte qu’à contre cœur la paternité de son œuvre. Le délire de Gilliam n’est décidément pas compatible avec un film grand public, conte de fées commercial et bateau. Du coup, les coupes franches sont légion, et le film hésite toujours entre plusieurs directions. Merci aux frères Weinstein (Miramax, filiale de Disney).
Du côté du casting, pas grand-chose à redire cependant, même s’il est inégal. Heath Ledger joue bien de ses lunettes et il est méconnaissable, alors que Matt Damon est très convaincant, et s’adapte bien au monde de son réalisateur. Ces deux têtes d’affiches campent parfaitement les deux frères héros du film.
A leurs côtés, on retrouve un Peter Stormare survolté, et presque agaçant dans l’excès, dans un rôle de tortionnaire italien. Monica Bellucci (inepte et fade) ainsi que l’excellent Jonathan Pryce (excellent dans son rôle d’occupant français) complètent le casting principal.
Avec Terry Gilliam, même massacré au montage, l’univers visuel du film demeure magnifique. Le village où séjournent les héros est superbement reconstitué, mais c’est surtout la forêt magique et sa tour maudite qui emportent l’adhésion. Avec des tons rougeâtres inquiétants, et une ambiance sonore glauque à souhait, on retrouve par moment un plaisir contemplatif. Maigre consolation, on en conviendra.
Car le scénario pèche, à ne trop savoir dans quelle direction aller, entre un réalisateur cherchant à laisser libre cours à sa folie créatrice, et des producteurs imposant des choix commerciaux. Le spectateur a souvent bien du mal à accrocher à l’histoire (qui pourtant démarrait plutôt bien, et avec un rythme adéquat). Surtout quand apparaît la sorcière, une Monica Bellucci sans grâce. Il faut dire que sous son maquillage quasi-omniprésent et des effets numériques lourds, pas facile de s’exprimer.
Le fan de Terry Gilliam ne pourra être que déçu par ce film (ou produit, à vous de juger). On retrouve certes par moments le génie visuel et scénaristique du réalisateur, et la qualité des interprètes. Mais Les frères Grimm restera comme une œuvre totalement en deçà de ce que le spectateur est en droit d’attendre d’une telle brochette de talents !