Le frôlement des pattes d’araignées sur une peau nue…Des bruits inexplicables que l’on entend la nuit, enfant dans une chambre close…Une grande maison vide dans laquelle on devine une présence…L’aiguille d’une seringue qui se rapproche inexorablement…Autant de frissons que nous avons éprouvés, un jour ou l’autre, comme les auteurs de ce voyage qui nous mène d’un trait au pays de l’angoisse.
Pour commencer et avant de réellement nous intéresser au programme dont il est question, une pensée me taraude l’esprit : Pourquoi l’animation traditionnelle prend soudainement sur notre continent un aspect aussi sombre et austère. On l’a vu avec « Persépolis » ou encore « Valse avec Bachir » (Film Israelo-Franco-Allemand) qui sont deux œuvres d’animations majeures, mais à l’aspect austère et particulièrement sombre. Le monde est il si triste que l’on ait besoin de ternir l’animation si prompt à ravir les plus petits comme les plus grands ? Doit- on rendre sombre ce qui pourrait être encore un peu lumineux pour mieux éveiller les consciences ? L’Europe et la France n’ont-elles plus les capacités de faire rêver qu’elles soient obligées de tout ternir systématiquement ? N’y a-t-il pas de fierté dans le rêve et dans l’utopie ? Car même si « Peurs du noir » est un programme de grande qualité, (je vais y venir après), il reste austère et destiné essentiellement à un public en mal de pseudo valorisation intellectuelle.
Pour maintenant en venir directement au sujet, le projet d’Etienne Robial et de Christophe Jankovic consiste à laisser libre court à différents auteurs de bandes dessinées, sur un thème prédéfini : Les cauchemars.
Cela donne une œuvre originale, incroyablement riche en graphisme, aux histoires courtes aussi redoutablement efficaces qu’abouties. Utilisant le noir et blanc pour mieux appuyer le trait horrifique de certains des cauchemars des auteurs, « Peurs du noir » atteint totalement son but en mettant d’un coup le spectateur face à ses propres phobies. Certains plans font bien évidemment penser à « Persépolis » de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, sans que toutefois les sujets puissent être confondus.
Côté bande son, on assiste à des performances aussi inégales que parfaitement en adéquation avec le sujet comme celle de Nicole Garcia en narratrice intermédiaire, qui nous évite le son monocorde habituel dans ce type d’exercice. Par contre le doublage d’Aure Atika s’avère vite limitée et semble manquer totalement d’inspiration, ce qui gâche un peu d’énergie à l’histoire de ce jeune homme rattrapé par les insectes qu’il fait souffrir.
Côté graphisme, l’ensemble est d’une véritable richesse artistique, chaque auteurs ayant cherché dans ses peurs les plus enfouies pour en ressortir des dessins aux inspirations aussi variés que les mangas (Marie Caillou) dans une histoire où une petite fille japonaise est possédée par le fantôme d’un samouraï, ou Goya, Manet ou Manuel de Fella (Blutch) pour l’histoire de cet homme promenant ses chiens dangereux, ou encore kaleïdoscopique (Pierre Di Sciullo) pour mieux synthétiser les mots de la narratrice. Un ensemble qui ne manque donc pas d’originalité et qui mérite que l’on s’y arrête assurément.
En conclusion, « Peur(s) du noir » est un programme de grande qualité où les auteurs de bandes dessinées explorent les cauchemars de tout un chacun dans un flot de créativité incroyablement riche. Un programme austère qui soulève plusieurs questions, mais qui a le mérite d’atteindre son but.