Eric Bishop, Postier à Manchester, traverse une mauvaise passe. Sous son nez ses deux beaux-fils excellent dans des petits trafics en tout genre, sa fille lui reproche de ne pas être à la hauteur et sa vie sentimentale est un désert. Malgré la joyeuse compagnie de ses collègues rien n’y fait, Eric sombre. Un soir, Eric s’adresse à son idole qui, du poster sur le mur de sa chambre semble l’observer d’un œil malicieux. Que ferait à sa place le plus grand joueur de Manchester United ?
Il faut bien le dire, le sujet en lui-même, aussi sympathique soit il, n’est pas forcément fédérateur de grand public. Pourtant en y regardant de plus prêt, on peut d’ores et déjà s’attendrir sur cette intéressante métaphore qui utilise l’image du footballeur et son fan la plus inconditionnel. Ajoutons à cela l’intelligence de Ken Loach (Le vent se lève, Land and freedom) pour mieux s’interroger sur les qualités de ce film, sélectionné à Cannes.
Et le résultat est à la hauteur des espérances : Jubilatoire. « Looking for Eric » emmène le spectateur dans une spirale d’humour, de tendresse, et de drame que l’on ne connait que dans le cinéma Anglais et principalement dans la filmographie du réalisateur. Ce dernier, en effet, en confiant le scénario à son complice de toujours : Paul Laverty (Carla’s song) sauve son film d’un sujet qui aurait put très facilement l’entrainer sur le terrain de l’insipide. Et il n’en n’est rien, le scénariste profite du sujet pour nous offrir une nouvelle vision de la société anglaise et un regard nouveau sur les fans de la Manchester United bien trop souvent associés aux Hooligans. Le film s’intéresse au destin de ce personnage au bord du gouffre, qui se rattache à l’image de son idole, pour tenter de trouver une petite lumière dans le tunnel obscur qu’il est en train de traverser. Ses amis supporters de la Manchester viennent à son secours, et d’un coup le scénariste entraine le spectateur dans une sorte d’hommage à la solidarité, à l’amitié qui semble petit à petit disparaitre.
Ken Loach a ainsi le bon goût de ne pas simplement réaliser un film sur le football, mais au contraire de donner une vision d’une société qui ne va pas forcément bien, mais qui se raccroche à ses rêves pour sortir du marasme ambiant. Le réalisateur livre donc une œuvre plus légère, loin des ses habituelles peintures sociologiques, mais sans toutefois y perdre son âme, bien au contraire. Le film plonge le spectateur dans la dérive de ce personnage, mais le fait vibrer aussi aux rythmes de ses victoires autant que de ses défaites. Et le ton, toujours proche de la réalité, n’est pas innocent dans la réussite de ce film.
Enfin, il est bon aussi de souligner la prestation de Steve Evets est effectivement, parfaitement juste et bien pesée. L’acteur trouve systématiquement la bonne tonalité pour nous emmener dans les méandres de ce personnage sombre et lumineux en même temps. L’acteur s’oppose à merveille à l’impressionnante carrure d’Eric Cantona qui ne boude pas son plaisir de se moquer un peu de lui surtout en distillant des proverbes à chaque apparition. N’hésitant pas à brocarder un peu tout ceux qui avait pris sa déclaration de « la mouette » pour du sérieux.
En conclusion, Ken Loach nous livre là une œuvre lumineuse, jubilatoire à souhait, qui provoque un sourire constant sur le bord des lèvres et un véritable sentiment de bonheur profond à celui qui plongera dans l’univers du personnage.