Nikki et Flo

L’histoire

Niki est un colonel à la retraite qui vient de perdre son fils dans un accident. Sa fille et son gendre, le fils de Flo, s’apprêtent à quitter définitivement la Roumanie pour les états-Unis. Flo, vestige de la bohême des années 70, est un touche à tout, fan de vidéo amateur dont la nature de tyran refoulé s’exerce sur Niki. Il dépouille ce dernier de ses maigres biens matériels, de ses valeurs morales, jusqu’à l’image qu’il a de lui même et de sa dignité.

Critique subjective

Lucian Pintilie

Lucian Pintilie fait partie de ce groupe d’artistes et d’intellectuels roumains qui ont décidé de revenir dans leur pays pour participer et aider au changement. MK2 s’intéresse à cet auteur depuis longtemps. Dès le lancement du partenariat entre la France et la Roumanie en 1990, Marin Karmitz a participé à la production de tous les films de Lucian Pintilie, intervenant parfois même comme distributeur. La Roumanie reste le sujet de prédilection du réalisateur, le seul dont il peut parler. Mais parce qu’il aborde des thèmes comme le Mal, la barbarie, les conflits ethniques…il atteint une certaine universalité. Ses films, quelque soient le moment et l’endroit où ils sont vus, sont toujours d’une saisissante actualité.

Biographie

Né le 9 novembre 1933 à Bucarest, diplômé de l’Institut d’Art Cinématographique et Théâtral, Lucian Pintilie devient en 1970, avec la présentation à Cannes de son deuxième film La Reconstitution à la quinzaine des réalisateurs, la figure principale de la naissance tardive du cinéma roumain. Suite à l’interdiction de ce film, il est interdit de travail en Roumanie et s’exile en France. Il y revient en 1990 où il est nommé directeur de la Société Cinématographique de Ministère de la Culture Roumaine. Grâce à la mise en place d’une co-production franco-roumaine, il tourne Le Chêne en 1992. Suivent alors Un été inoubliable (1994), Trop tard (1996), Terminus Paradis (1998), L’après-midi d’un tortionnaire (2001) et Niki et Flo (2003).

A travers ses films, Pintilie développe un regard critique sur lui-même, ainsi que sur le peuple roumain. Regard critique où bien peu ont su lire l’intensité quasi maladive de l’amour qu’il porte au peuple dont il est issu. Il interroge la manière dont un peuple, un être humain peuvent vivre dans un monde apocalyptique, qui n’est qu’une suite de catastrophes.

Avis sur le film

Comme cela arrive souvent avec un film de Lucian Pintilie on entre dans une histoire comme par effraction ou comme si on tombait dedans brusquement. Dans Niki et Flo,  Pintilie nous entraîne dans l’anatomie d’un crime en filmant avec suffisamment de distance l’histoire de la confiscation assez grossière mais stupéfiante de la vie d’un homme par un autre. A la manière de Kundera et de son art du roman, il pose les repères qui nous permettent de saisir les moments charnières qui font que ce qu’il y a de pire que de sentir que c’est bientôt la mort, c’est de perdre jusqu’à sa dignité ou plutôt de se la faire voler.

L’histoire se déroule suivant des dates clefs qui s’affiche en blanc sur fond noir, tel des chapitres ou des actes (Pintilie vient du théâtre) dont la connotation sert au réalisateur à marquer émotionnellement certaines étapes de confiscations de la dignité de Niki par Flo.

Niki perd son fils Mihaitza qui est enterré un 1^er avril et quelques temps après sa fille et son gendre partent définitivement pour les états-unis. Le jours de leur départ, Niki reste seul devant la maison voyant s’éloigner la voiture qui les mènent à l’aéroport. On est le 14 avril et il s’effondre car ce qui se passe est bien plus grave. Floriant, Flo, le beau-père lui a prit grand nombre de ses meubles, ridiculise ses convictions morales et son point de vue sur certaines périodes historiques du pays.

Ensuite on voit Niki vieillir et sa femme Poucha atteint d’alzheimer perdre petit à petit pied. On comprend que Niki est seul face à la tyrannie de Flo qui joue au petit chef jusque lors de l’enterrement du fils ; il filme tel un petit Big Brother en mettant en scène le rituel religieux de manière blasphématoire. Sa caméra vidéo est l’œil qui le fascine, un oeil autoritaire.

Le point de non retour sans doute survient lorsque Niki voit les évènements du 11 septembre qui nous rappellent que Angela et Eugène sont aux États-Unis et que c’est la femme de Flo qui lui apprend la date à laquelle son petit-fils va naître. Le point culminent de cette construction correspond au moment où Niki visionne une vidéo intime de sa fille presque nue et de son gendre filmé par Flo de manière quasi incestueuse ce qui est confirmé par une photo où le jeune couple et le couple de Flo sont nus sur une plage naturiste de la mer noire.

Verdict

Lucian Pintilie nous propose quelque chose de terrible que l’on pourrait décrire comme l’anatomie d’un crime. Un film dont l’issue semble pouvoir se justifier par l’extraordinaire confiscation de soi et une histoire dont l’universalité est certaine. Une grande leçon de cinéma et peut être bien l’un des meilleurs films de Lucian Pintillie.

L’image du film a bénéficié d’un transfert pellicule sur support dvd irréprochable ; seules quelques taches issues de la pellicule cinéma sont visibles durant la scène du repas (réf. 17éme mn environ). La compression est très bonne et les couleurs de ce film réaliste semblent respecter. Donc un bon travail de la part du laboratoire de transfert comme cela semble être le cas sur l’ensemble des dvds de la collection Lucian Pintilie par ailleurs.

Le dvd Niki et Flo propose une piste audio Dolby Digital 2 en VO Roumaine ce qui apparaît suffisant à l’écoute car la mise en scène ne nécessite pas d’effets spécifiques.
La piste est bien équilibrée, cependant le niveau sonore semble un peu bas. Toutefois cela ne constitue pas un problème, les voix surtout sont importantes bien que sur les passages musicaux on aurait aimé un peu plus de pêche.
La dynamique se réveille un peu lors de la diffusion de la vidéo du mariage de Eugène et Angela mais elle manque un peu de tonus.

Mais les films de Lucian Pintilie fonctionnent très bien avec des pistes audio mono ou DD 2 ce qui explique la note de 3/5.

Bonus

Bonus de la Collection Pintilie ( coffret 4 dvd & 3 dvd unitaires)

Des compléments ont été spécialement réalisés pour chacun des films :
> préface de Michel Ciment (critique de cinéma)
> les leçons de cinéma de Lucian Pintilie sur quelques séquences choisies
> des entretiens avec Marin Karmitz (producteur du film Terminus Paradis)
> des entretiens avec Yvon Crenn (producteur du film L’après-midi d’un tortionnaire)
> Les bandes-annonces des films de la collection Pintilie.

Bonus de Niki et Flo

- Préface de Michel Ciment (4 mn)
Les préfaces prévues pour les 7 films de collection Lucian Pintilie éditées par Mk2 offrent l'avantage de resituer le cinéma de Pintilie par rapport à l'histoire de la Roumanie tout en donannt quelques clefs supplémentaires à une meilleure compréhension des enjeux de son travail.
- La leçon de cinéma de Lucian Pintilie (17 mn)
Cette leçon de cinéma est particulièrement interessante car Lucian Pintilie explique de manière très détaillée comment est construit ce drame psychologique.

Bandes-annonces
- La collection Pintilie (12 mn)

Menus
Les menus sont très efficaces, structurés, hiérarchiques.
Des images du film sont en arrière plan tandis qu'une ritournelle sert d'accompagnement musical.