L'histoire :
Strip-teaseur doux, affable et doté d’une musculature imposante, Big est un ancien moine bouddhiste qui possède le don de voir le « karma » de certaines personnes. Il va se servir de ce don bien particulier pour aider Lee Fung-yee, une jeune inspectrice de police, à arrêter un criminel très dangereux et très violent. Mais leur enquête va les mener beaucoup plus loin qu’ils ne l’imaginaient … aux confins de leurs origines.
Critique subjective :
Avec My Sassy Girl (2001) et La légende de Zu (2001), Running on karma (2003) est dans le genre surprenant, une des bonnes surprises de cette deuxième vague Asian Star. Les fans convaincus de Johnnie To (
Heroic Trio 1 & 2 (1993),
The Mission (2001), The Longest Nite (1997, producteur), A Hero Never Dies (1998)) et habitués aux polars traditionnels risquent de ne pas adhérer à ce film dont on dit qu‘il comporterait trois films. Il est vrai que l’on trouve un étrange mélange de style, de situations et de personnages dans Running on Karma, très loin de
Running Out of Time (1999) ou
Fulltime Killer (2002) par exemple.
Running On Karma fait parti de ces films moins commerciaux, plus personnels et ambitieux produits par Milkyway Image Ltd, la maison de production créée par Johnie To et Wai Ka-fai en 1996. Cette collaboration explique pourquoi le duo a coréalisé plusieurs films (Needing You (2000),
Fulltime Killer(2001) ou
Running out Of Time (2003)) même si Johnnie To mène la danse en général. Johnnie To a débuté sa carrière en tant que réalisateur et producteur depuis les années 80 tandis que Wai Ka-fai réalise et scénarise son premier film The Peace Hotel en 1995 avec
Chow Yun-fat et signe sa première production en 1997.
Andy Lau émerge naturellement du casting de Running on Karma d’une part parce qu’il tient le rôle principal et parce qu’il tient un rôle assez différent de ceux auxquels il nous a habitué. On le découvre dans le physique d’un moine bouddhiste body-buildé, parfois le crâne rasé et dont la musculature est en fait un costume en polymère réalisé par la société Steve Johnson Edge Inc. (
Spiderman 2 (2003),
La ligue des gentlemen Extraordinaires (2002) ou
Le Village (2003)), également chargée des superbes effets spéciaux de Running On Karma (2003).
Andy Lau fait parti de ces acteurs asiatiques qui en imposent par leur filmographie (
As Tears go by (1988),
A True Mob Story (1998),
Running Out of time (1999)) et la qualité de ses interprétations en général. Il a tourné dans une bonne centaine de film depuis les années 80 et les récents Infernal Affairs (2003) et
Le secret des poignards volants (2003) lui ont ouvert les portes du public occidental.
On peut recevoir
Running On Karma (2003) comme un joyeux fourre-tout expérimental ou comme une œuvre à la mise en scène brillante qui excède volontairement les cadres respectifs de différents genres cinématographiques. Il s’agit d’un mélodrame teinté de polar fantastique qui donne lieu à des combats d’arts martiaux tout en tenant un discours philosophique sur les exigences du parcours vers la sagesse. Le film réussit à intégrer un grand nombre de thèmes, dimensions et genres du cinéma Hongkongais avec un certain brio qui est un témoignage évident du talent et de la maîtrise de Johnnie To.
Au delà du mélange des genres,
Running On Karma aborde la problématique des échanges de population entre la Chine continentale par la nouvelle Shenzhen (1ère zone économique spéciale et plus importante ville migrante du pays) et Hong Kong d’où se font expulser les natifs Chinois. Ceci rappelle que le gouvernement Chinois veut se servir de Shenzhen afin de réduire l’attraction de Hong Kong, symbole historique des valeurs occidentales et du capitalisme en particulier. On pense aussi à
Wong Kar-wai dont le cinéma revient constament sur la circulation dans Hong Kong et sur les aller-retours entre Hong Kong et l'extérieur. Il est naturel dans ce cas que le mélange de genres soit accompagné d’aller-retour entre Hong Kong et la nouvelle chine continentale urbaine puis la Chine traditionnelle et éternelle où le moine peut retrouver la voie de la sagesse.
D’autres allusions à des périodes historiques sont faites. La jeune femme policière au mauvais Karma aurait été un soldat Japonais sanguinaire durant la seconde guerre mondiale dans son ancienne vie et l’affrontement hallucinant entre les combattants Hindous rappellent que les arts martiaux chinois découlent de la transmission d’une méthode de relaxation à des chinois par un moins hindou de passage en chine. Le personnage du combattant Hindou qui arrive en dépit de sa grande taille à se glisser dans une petite boite métallique est tout simplement hallucinant et fait parti des trouvailles saisissantes du film.
Et si au final Running On Karma ne brillait-il tout simplement pas par sa valeur philosophique ? Du début à la fin, le film tend à nous acheminer vers le combat ultime de l’homme contre lui-même : la quête de la sagesse que le moine alias Big poursuit même si pour l’atteindre il doit passer par des détours géographiques et les égarements de la vie permissive des grandes villes. En cela Running on Karma trouve une correspondance directe avec le propos du film Printemps, été, automne, hiver... et printemps (2003) de
Kim Ki-duk. Le moine devenu maître après avoir vaincu sa propre dualité est reconnu par les hommes en tant qu’homme de sagesse.
Verdict :
Running On Karma (2003) est une œuvre à la mise en scène brillante qui excède volontairement les cadres respectifs de différents genres cinématographiques et confirme le talent éclatant de Johnnie To. Il s’agit d’un mélodrame teinté de polar fantastique qui donne lieu à des combats d’arts martiaux tout en tenant un discours philosophique sur les exigences du parcours vers la sagesse. Un film hallucinant de brio et jubilatoire d’audace dans une belle édition DVD.