L'histoire :
Un homme jeune arrive un jour à Bombay. Il part a la recherche d'un ami qui a vécu quelque temps dans cette ville pour disparaître sans laisser de traces. Au cours de son enquête, il va rencontrer d'étranges personnages et pénétrer un pays qui le fascine.
Critique subjective :
Alain Corneau a réalisé près d’une vingtaine de film depuis l’année 1973 où il réalise France société anonyme (1974) son premier long-métrage entre polar et science-fiction. Un film déroutant et peu suivi par le public mais qui l’invite à suivre la voie du polar pour ses futures réalisations. Suivront Police Python 357 (1976) avec Yves Montand – on le compare alors à
Jean-Pierre Melville, référence du polar à la française - puis Série noire (1979). Il change plus tard de registre et signe Nocturne indien (1989) adapté du roman éponyme d’ Antonio Tabucchi et le magnifique hymne à la musique baroque, Tous les matins du monde (1992) qui lui vaut les César des meilleur réalisateur et meilleur film. On lui doit également plus récemment Le cousin (1998), l’adaptation du roman d'Amélie Nothomb,
Stupeur et tremblements (2002) ou Les Mots bleus (2005).
Pour cette adaptation du roman d’ Antonio Tabucchi, Alain Corneau a constitué un casting qui regroupe plusieurs nationalités. Jean-Hugues Anglade retrouve Clémentine Célarié (Le Complexe du kangourou (1986) Les Nuits fauves (1992), Sept ans et demi de réflexion (1995)) aux côtés de laquelle il avait déjà joué dans 37°2 le matin (1986) de Jean-Jacques Beineix. Jean-Hugues Anglade construit tranquillement mais sûrement une filmographie assez riche puisqu’il a son actif des films tels que Subway (1985), Nikita (1990), La Reine Margot(1994),
Killing Zoe (1994),
Laisse tes mains sur mes hanches (2003) ou Taking Lives (2004) avec un casting franco-américain comprenant Angelina Joly.
Plusieurs années après avoir découvert le livre d’ Antonio Tabucchi, on peut dire qu’Alain Corneau a été bien inspiré en passant à l’adaptation de ce roman qui invite à l’errance indienne pour mieux retrouver cet autre ami mystérieux qui se cache au fond de l’intimité. Le sujet de Nocturne Indien est la quête de l’identité d’un certain Mr. Rossignol qui vient en Inde à la recherche d’un ami dont on ignore à peu près tout. On se rend assez vite compte qu’il a quelque chose d’étrange dans cette recherche d’un ami qui se dérobe à lui à mesure qu’il tente de s’en rapprocher.
Une enquête qui s’avère finalement assez passionnante bien que peu haletante car même si Nocturne Indien a comme des airs de famille avec le polar - genre pratiqué par le réalisateur avec Police Python 357 (1976) et Le choix des armes - il invite plutôt à suivre une ligne de fuite, presqu’à la manière d’un road-movie à pied, en taxi, bus, train et toujours en écriture par courrier.
Alain Corneau réunit toutes ses passions dans Nocturne Indien en tournant l’adaptation d’un roman ce qui rappelle son amour de la littérature qu’il a encore approché avec Tous les matins du monde (1992) ou
Stupeur et tremblements (2002), dans l’Inde envoûtante qu’il aime et où l’on sait que s’égarent certains visiteurs occidentaux. Il accompagne le voyage de Mr Rossignol par la musique du quintette à cordes en Ut majeur de Franz Schubert ; un choix d’une rare subtilité de la part d’un réalisateur, musicien de formation. En somme, Nocturne indien est une sorte d’enquête qui prend des dimensions mystérieuses au fur et à mesure que l’on se rapproche du but tout en ménageant un étrange aller-retour entre fiction et réalité dans un mouvement ininterrompu entre le personnage de Mr Rossignol et son ami mystérieux.
Cette oscillation entre la réalité vécue par le héro et celle du film ne peut être qu’amplifier par le sourire énigmatique de Mr Rossignol lors de la scène finale.
Mr Rossignol marche dans les pas d’un ami et sourit de son pouvoir tout en virtualité d’être soi et peut-être un autre. Si ce n’est qu’au terme d’une profonde dépersonnalisation que l’on acquière son véritable nom alors l’Inde est le pays tout indiqué pour une telle expérience.
Verdict :
Dans Nocturne Indien, Alain Corneau réunit ses passions pour la littérature qu’il a déjà adaptée plusieurs fois, pour la musique qu’il a étudiée et pour l’Inde pays prodigieux et dont la beauté changeante et renouvelée est une invitation à l’errance. Une très belle édition DVD pour un film qui hésite entre le polar, la quête identitaire lancée dans un presque road-movie tirant une ligne de fuite au travers d’une Inde dont la réalité dépasse la fiction.