Le Film
Critique de Julien Sabatier
Editeur
Edition
Edition limitée
Label
Zone
2
Durée Film
537 min
Nb Dvd
6
Avant-propos :
La collection Jean Gabin se présente sous la forme d’un coffret 6 DVD. Les titres (cinq films et un documentaire), également disponibles à l’unité, sont les suivants.
- Maria Chapdelaine (Julien Duvivier, 1934, 74 minutes)
- La bandera (Julien Duvivier, 1935, 97 minutes)
- Miroir (Raymond Lamy, 1947, 90 minutes)
- Le port du désir (Edmond T. Gréville, 1955, 91 minutes)
- La horse (Pierre Granier-Deferre, 1970, 77 minutes)
- Gabin intime (Serge Korber, 2006, 108 minutes)
Critique subjective :
Quel acteur peut aujourd’hui prétendre arriver ne serait-ce qu’à la cheville de Jean Gabin ? Si son frère spirituel, le grand Lino Ventura, l’a parfois un peu talonné en termes de jeu, il n’a jamais véritablement rivalisé avec lui (revoir Le clan des siciliens où l’ancien catcheur paraît presque fade à côté de Gabin). Quant à ses deux héritiers de cinéma, Delon et Belmondo, ils ont vite montré leurs limites, se livrant souvent au cabotinage, une pratique étrangère à leur mentor. Preuve ultime de son inégalable talent de comédien, Jean Gabin n’a donc jamais trouvé un remplaçant à sa (dé)mesure. C’est là la marque des plus grands, ils sont uniques.
Biographie. Premier constat : pas facile, sinon impossible, de résumer Jean Gabin. Comme son nom l’indique, Gabin intime de Serge Korber est davantage axé sur le côté biographique même si, bien entendu, l’homme et l’acteur sont indissociables. Au menu, pas de révélations sur Jean Alexis Gabin Moncorgé mais un documentaire qui a déjà le mérite d’être plutôt complet. Académique, ce portrait très linaire (découpage chronologique plutôt que thématique) alterne entre images d’archives (photographies, extraits de films) et interviews enregistrées à l’occasion (Jean-Claude Brialy, Clovis Cornillac, les enfants de Gabin, ...) ou issues des tiroirs de l’INA (Lautner, Ventura, Delon, Belmondo, Audiard, etc.). Paradoxalement, le grand absent de ces entretiens n’est autre que Gabin lui-même (mais il est beaucoup cité).
L’histoire est connue, mais prenons le temps de la rappeler brièvement. Issu de parents artistes, Jean Gabin n’est pas attiré par le milieu du spectacle. Dès l’enfance, son rêve est de devenir fermier. Il se lance pourtant dans le théâtre avant de faire ses premières armes au cinéma, à l’aube des années trente. Persuadé que tout cela ne va pas durer, il tourne beaucoup. Jean Gabin finira pourtant par en faire sa vie, honorant de sa présence tout un pan du cinéma français. Souvent, il pèsera de tout son poids pour que des films difficiles à monter, aujourd’hui devenus d’inoxydables classiques, voient le jour.
Chose appréciable, le documentaire n’occulte pas les deux moments difficiles de la vie du comédien. Le premier, c’est son retour malaisé dans le cinéma français après la seconde guerre mondiale. Au terme de six années d’absence (exil aux USA puis participation aux combats), Gabin, cheveux blancs et compagnon d’une Allemande (Marlène Dietrich), n’est pas sûr de plaire encore au public. Il connaîtra en effet un passage à vide avant que sa carrière à l’écran ne reprenne de plus belle. Deuxième choc, personnel celui-là. Acteur renommé, Jean Gabin a les moyens de réaliser son rêve d’enfance : devenir fermier. Il fait l’acquisition de terres, élève bovins et chevaux. Décrié par les paysans, qui lui reprochent de s’accaparer des terres pour se divertir, l’homme est profondément blessé par cette critique émanant de ceux dont il aurait tant voulu être le pair.
Tournant jusqu’à la fin de sa vie, Jean Gabin s’éteindra le 15 novembre 1976, il avait alors 72 ans.
Outre ce portait inédit et assez réussi, la collection Jean Gabin propose cinq longs-métrages : Maria Chapdelaine, La bandera, Miroir, Le port du désir et La horse. Pas forcément que des titres très connus, mais des films qui permettent de le voir endosser des rôles assez variés. On peut surtout y apprécier l’évolution de son jeu sur trente-six ans (Maria Chapdelaine remonte à 1934 et La horse date de 1970), soit deux bons tiers d’une filmographie commencée en 1928 et qui s’achèvera l’année de sa disparation, en 1976. Au fil du temps, les personnages s’adaptent à son âge. Le débutant, déjà très bon, est celui des films comme Maria Chapdelaine, La bandera ou La belle équipe tandis que l’acteur confirmé, et encore meilleur, interprète des hommes mûrs dans Le clan des siciliens, La horse ou L’affaire Dominici. Beau panorama que celui offert par certains de ces titres, présents dans le coffret dont il est ici question. Le niveau global de cette collection Jean Gabin est très satisfaisant puisque les métrages vont du moyen (Maria Chapdelaine, Le port du désir) à l’excellent (La bandera, La horse) en passant par le bon (Miroir).
Passons rapidement sur Maria Chapdelaine, drame rural se déroulant au Canada. Dans l’un de ses premiers rôles pour le grand écran, Jean Gabin ne fait pour ainsi dire que passer. Première collaboration avec Julien Duvivier (six autres suivront), Maria Chapdelaine pâtit d’une intrigue désuète, d’un pathos trop appuyé et d’un parler québécois qui rend l’ensemble peu agréable aux oreilles (même si les acteurs n’ont pas pris l’accent). On retiendra surtout la scène du périple de François Paradis (Gabin), une séquence poignante remarquablement mise en scène.
C’est le même Julien Duvivier que l’on retrouve l’année suivante derrière la caméra de La bandera, filmant un Jean Gabin qui, cette fois, a clairement la vedette. Mieux que cela, il crève l’écran dans le rôle de Pierre Gilieth. Après une véritable descente aux enfers (un meurtre suivi d’une fuite en Espagne), Gilieth trouvera une échappatoire dans la légion étrangère, univers dur mais fraternel où le passé de chacun est mis au placard. Moment fort du cinéma français d’avant guerre, La bandera est indéniablement l’une des plus grandes réussites du duo Gabin / Duvivier. Son final, huis-clos étouffant, est resté dans les annales.
Si Raymond Lamy, qui réalise Miroir en 1947, n’a pas l’habilité visuelle d’un Duvivier, il tient au moins un sujet intéressant. Ancien malfrat anarchiste, Pierre Lussac a gravi les échelons jusqu’à devenir le riche dirigeant de plusieurs sociétés. Le personnage n’est guère sympathique (il n’hésite pas à faire disparaître ceux qui se dressent en travers de son chemin) mais possède une certaine éthique, sa propre morale. Jean Gabin est excellent dans ce film relativement méconnu, l’un de ses premiers tournés après la fin de la guerre. Cheveux blancs et traits plus marqués, l’acteur peut maintenant camper des personnages plus mûrs, ici cet homme qui voit son empire s’effondrer.
Film poussif, Le port du désir (Edmond T. Gréville - 1955) confirme cette tendance dans le choix des rôles. Convainquant, Gabin y incarne Lequevic, un commandant de navire chevronné qui va être mêlé à une sombre affaire impliquant le milieu marseillais. Dommage que le métrage, qui s’enlise dans des scènes situées à L’ancre de marine (sorte de salle de bal faisant accessoirement office de bordel), ne soit jamais à la hauteur de sa tête d’affiche.
On achève le survol des titres de ce coffret avec La horse de Pierre Granier-Deferre (1970). Gabin y joue Auguste Maroilleur, un patriarche paysan dur à cuire et prêt à tout pour défendre sa famille et sa terre. Au dires de ses proches (sa femme et ses enfants), le vieux Maroilleur est le personnage le plus proche de ce qu’était le Jean Gabin de tous les jours. S’il est impossible de cautionner le propos réactionnaire du film (la justice privée), on ne peut que saluer sa redoutable efficacité. Sec et sans concessions, La horse est un excellent titre dont les accents western et vigilante movie, remarquablement transplantés dans un cadre rural crédible, sont des plus réjouissants.
Verdict :
Ce coffret Gabin nous amène à cette conclusion : trente années après la disparition de l’acteur, le cinéma français pleure toujours son plus grand comédien. La collection Jean Gabin nous permet aussi de constater que, contrairement à ce que pourraient laisser penser certains titres récents (suivez mon regard), le cinéma populaire hexagonal n’est en aucun cas incompatible avec des oeuvres de qualité, loin de là.
L'image
Couleurs
Définition
Compression
Format Vidéo
4/3 n&b
Format Cinéma
1.33:1
Dans un souci de précision et d’exhaustivité, évoquons tout d’abord les formats vidéo des films proposés. Tous les films en noir et blanc, ainsi que le documentaire, sont en 1.33 (4/3). Seul le film de Pierre Granier-Deferre est présenté en 1.66 (16/9ème compatible 4/3). Si l’éditeur affiche fièrement des masters numériques restaurés haute définition, la qualité visuelle diffère néanmoins selon les titres. Sur les deux films les plus anciens (Maria Chapdelaine et La bandera), les effets du temps sont encore palpables à l’écran avec des défauts de pellicule parfois très prononcés (rayures, taches, grain) et un contraste un peu faiblard. Gageons que le matériel disponible, eu égard à son âge avancé (plus de soixante-dix ans), devait être en piteux état. Sur les deux autres titres en noir et blanc (Miroir et Le port du désir), le travail de restauration est beaucoup plus perceptible, les masters étant assez bluffants de propreté et de piqué. Toiletté dans les moindres détails (voir bonus dédié), La horse présente des visuels excellents et l’on découvre le film comme on ne l’avait jamais vu : étonnamment limpide et précis. Quant au documentaire, il affiche l’image de très bonne qualité de que l’on était en droit d’attendre pour un portrait datant de 2006. Sur les six DVD présentés, la compression n’apparaît jamais. Au global, on peut donc dire que la qualité est plutôt très bonne, les seuls défauts relevés étant davantage imputables à l’âge de certaines bobines qu’à un manque de professionnalisme de la part de l’éditeur.
Langue
Type
Format
Spatialisation
Dynamique
Surround
Français
1.0
Que ce soit par prudence et / ou par pingrerie, l’éditeur a préféré s’en tenir à ce vieux proverbe chinois : « mieux vaut un bon mono restauré qu’un mauvais 5.1 artificiel ». Tous les films sont donc audibles en mono d’origine restauré. Le résultat s’avère assez probant même si, bien sûr, on est loin du DTS tonitruant du dernier blockbuster en date. Si l‘on peut déplorer une piste un peu criarde sur Maria Chapdelaine, le son des autres métrages est de bonne tenue (mention spéciale à La horse), offrant un mixage équilibré, de l’énergie et une clarté surprenante sur certains des titres les plus âgés.
Les Bonus
Supléments
Menus
Sérigraphie
Packaging
Durée
134 min
Boitier
Coffret
DVD Maria Chapdelaine :
- Documentaire analytique sur le film (8 minutes) : Si le titre de ce supplément augure d’un bonus décortiquant le film, il n’en est rien. En effet, ce « documentaire analytique » nous parle de la vie au Canada à l‘époque où fut tourné le métrage, démontrant ainsi sa fidélité à la réalité d’alors.
- Portrait de Julien Duvivier (65 minutes) : Pas facile de balayer une filmographie affichant plus de soixante réalisations et touchant à de nombreux genre, le tout étalé sur près d’un demi-siècle. Passionnant ce portrait s’en tire pourtant fort bien en faisant intervenir les anciens collaborateurs et la famille de Duvivier. Tous évoquent un technicien hors pair et polyvalent mais aussi un homme extrêmement bourru et difficile à vivre sur les plateaux. On en apprend beaucoup sur les méthodes de tournage du réalisateur et la façon dont il a contribué à développer la mythologie de Gabin.
- Film annonce (4 minutes).
DVD La bandera :
- Documentaire sur la légion étrangère (12 minutes) : Intervenants militaires obligent, ce supplément dédié à la célèbre institution est clair, précis et complet. Le bonus souligne aussi le réalisme du film de Julien Duvivier.
- Film annonce (4 minutes).
DVD Miroir :
- Aucun supplément.
DVD Le port du désir :
- De 1955 à nos jours, l’histoire du port autonome de Marseille (10 minutes) : Focus sur le lieu qui sert de toile de fond au film. Relativement exhaustif (évolution des activités du port, volume des flux, etc.), ce supplément remonte bien avant 1955 puisque l’on y évoque notamment la fondation de la ville de Marseille par les Grecs.
DVD La horse :
- Documentaire analytique sur le film (17 minutes) : Une analyse assez superficielle contrebalancée par d’intéressantes anecdotes de tournage et l’évocation du remake du film.
- Documentaire sur le travail de restauration (6 minutes) : Coup de projecteur sur un processus de longue haleine mais payant, le master nettoyé étant assez bluffant (comparatifs éloquents).
- Film annonce (4 minutes).
DVD Gabin intime :
- Filmographie.
- Galerie photos.
Bonus
Livret
Bande annonce
Biographies
Making of
Documentaire
Interviews
Com. audio
Scènes sup
Fin alternative
Galerie de photos
Story board
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