Derrière la musique des Who, un film sur le désespoir de la jeunesse perdue dans la drogue et la violence.
Après l’effervescence et l’apparente inconsistance de « Tommy », la musique des Who se mêle une fois de plus aux images réalistes d’un cinéma anglais de la fin des années 70. Dépeignant avec une réalité et un cynisme particulièrement saisissant la désolation d’une jeunesse en manque d’identité dans cette Angleterre de la fin des années 60. Sorte de mutation entre la bienséance et la révolte annoncée des années 70, cette jeunesse se réfugie dans les extrêmes des substances permettant d’oublier cette implosion qui semble sommeiller en elle, prête à se manifester à tout moment.
Si « Tommy » mettait en évidence l’étonnante dualité musicale que représentait la musique des Who, avec tout ce que cela comprenait de violence, d’innocence, d’insouciance et de lucidité. « Tommy » tentait à prouver avec une étonnante effusion de couleur, de notes saturées et de séquences psychédéliques, que dans la pire des situations humaines, dans le plus grande détresse sentimentale qu’un être puisse connaître, il y a toujours une lumière qui jaillit. Chaque homme est unique et possède un talent propre qui peut à tout moment lui permettre d’atteindre le respect des autres. « Tommy » était en soi, un Opéra Rock hors du commun, porté par la musique du groupe de Roger Daltrey, dont il s’appropriait les notes les plus optimistes.
"Quadrophénia", utilise au contraire, le côté sombre des Who pour renforcer cette déchéance que subissent ces jeunes anglais. Une déchéance, qui les mènera tels des phénix à renaître de leurs cendres, pour offrir au monde la mutation dont il avait besoin. Ces jeunes en cette fin des années soixante sont identiques à la musique du groupe, violent, insoumis, incompris et pourtant si ambitieux. Une ambition de trouver les remèdes à cette souffrance adolescente, au moment de se construire, tout en faisant face à l’incompréhension des parents, en se confrontant sans cesse au conflit de génération, en luttant perpétuellement contre une société qui les désire et qui les repousse en même temps.
"Quadrophénia" est un opéra Rock à la violence cruelle et la mise en scène particulièrement efficace. Prédestinant un style britannique épuré et lucide sur les couleurs parfois ternes de la société anglaise, le film de Franck Roddam (The Bride) offre une image sombre de cette jeunesse, de cette société, mais aussi et surtout d’une nation en peine d’inspiration à un tournant historique de l’histoire de l’humanité.
En conclusion, un opéra rock aussi réussi que « The Wall », mais à la violence plus tenace et au désespoir étouffant. Une œuvre majeure, tant dans l’histoire de la musique, que dans celle du cinéma britannique.