Pour Yves Tréguier, Orphelin âgé de 14 ans, la France des années 30 est celle des maisons de correction, qui ont tout du bagne pour mineurs. A peine placé dans l’une de ces « maisons d’éducation surveillée », bâtisse austère entourée de hauts murs, Yves n’a qu’une idée en tête : en sortir pour rejoindre un port et embarquer pour New York.
Inspiré d’une histoire vraie, « Les Hauts Murs » est un film nécessaire. Car il traite d’un sujet que l’on a trop vite oublié, et qui rappelle les plaies d’un passé pas si lointain, puisque les maisons d’éducation surveillée n’ont fermé leurs portes qu’en 1979. Mais au-delà de ce passé pas si lointain, « Les Hauts Murs » traite aussi de cette mémoire si vite effacée, ses yeux si vite fermés sur la misère qui nous entoure. Située en 1932, l’histoire du film n’est pas seulement celle d’un gamin rêveur enfermé dans un enfer, c’est celle d’une société qui après des années de guerre oubliait peu à peu la compassion pour laisser apparaître le mal à l’état brut. Une société où les orphelins étaient considérés comme des erreurs de la nature « des chairs à canon » ou « des gibiers de potence », des gamins à qui l’on refusait définitivement l’affection pour peu qu’ils souhaitent juste un petit peu voler de leurs propres ailes. Si les anglais n’ont pas hésité une seconde à parler de cette époque honteuse autant que douloureuse, les français semblaient moins aptes à s’y pencher. Le film de Christian Faure (Marie Besnard, Un amour à taire) est là pour cette nécessaire piqûre de rappel.
Déjà au fait des causes oubliées comme le traitement des homosexuels durant la deuxième guerre mondiale, ou l’affaire Marie Besnard, le réalisateur livre là une œuvre saisissante, parfois même dérangeante, tant le sujet est traité avec réalisme et recul. Le réalisateur qui a signé l’adaptation avec Albert Algoud (Le Schpountz, Un aller simple) privilégie l’aspect initiatique autant que réaliste pour mieux immerger le spectateur dans ce contexte austère. Ne cachant rien de la violence régnante dans ces établissements, le réalisateur n’utilise pas la carte de la pudeur pour mieux nous mettre face à cette sordide vérité. Jamais caricatural pour ne pas être hors sujet, jamais voyeur pour ne pas être hors propos, Christian Faure enfonce le clou de l’horreur avec des personnages autant victimes que bourreau comme le personnage de Molina, véritable terreur des dortoirs, ou encore l’Oudie, le gardien de prison noir qui pleure la nuit et boit le jour pour oublier à quel point l’Afrique lui manque. Tout ces personnages participent allègrement à ce parcours terriblement initiatique de ce jeune homme abandonné par les bonheurs de la vie, mais tellement accroché à ses rêves.
Ce dernier est d’ailleurs magnifiquement interprété par le jeune Emile Berling (L’heure d’été, Un conte de Noël), fils de Charles Berling, qui fait preuve d’une incroyable maturité et d’un jeu terriblement juste. Constamment à cheval entre le rêve et l’enfer, le jeune comédien fait preuve d’un évident talent à véhiculer des émotions profondes. Aidé en cela par les prestations toutes en retenues de Catherine Jacob (Neuf mois) et de Carol Bouquet (Trop belle pour toi). Même les autres jeunes comédiens font preuve dans leur totalité d’une justesse de ton surprenante particulièrement dans un film de ce type. La régularité avec laquelle le jeu des comédiens est tenu rend le film encore plus saisissant. Particulièrement Guillaume Gouix (L’ennemi Intime) et Julien Bouanich dont « Les hauts murs » est le premier rôle, et qui forment avec Emile Berling un trio d’acteurs parfaitement cohérent.
En conclusion, « Les Hauts Murs » de Christian Faure est un film dur, mais tellement nécessaire, qu’il faut voir de toute urgence, ne serait ce que pour l’interpretation des jeunes comédiens, Emile Berling en tête. Un jeu juste et efficace, face à une violence inévitable qui sort la mémoire oubliée un peu vite de notre pays.