Suite à une bavure, deux tueurs à gages sont contraints d’émigrer quelques jours à Bruges. L’un d’eux s’y sent comme un poisson hors de l’eau l’autre tombe sous le charme de la cité belge. Jusqu’au jour où leur patron demande à l’un d’abattre l’autre…Les vacances se transforment alors en une course poursuite surréaliste dans les rues de la ville.
Pour son premier long métrage, Martin Mc Donagh, rend un hommage singulier à la ville de Bruges. Singulier et en même temps parfaitement cohérent avec les sentiments qu’il ressentit en passant un séjour dans la ville. Le réalisateur tomba sous le charme de la cité médiéval et dans le même temps s’y ennuya fortement au bout de quelques jours. Son film ne cesse d’osciller justement entre hommage appuyé sur le caractère hors du commun de la ville, avec ses canaux, qui font penser à Venise ou son Beffroi qui rappelle un film recordman d’entrée en France, et la passivité latente qui se lit dans les ombres de la ville. Les personnages de Ray et Ken semblent être les incarnations de ce paradoxe qui naquit dans le cœur du réalisateur.
Le personnage de Ray, tout d’abord magnifiquement interprété par Colin Farrell (Phone game, Le nouveau monde), qui revient ici aux lumières du cinéma par la petite porte. Car son interprétation tout en nuance fait bien vite oublier les échecs de ses prestations dans les très mauvais « Alexandre » et « Miami Vice ». Ici l’acteur rayonne, puise au fond de lui ce qu’il y a de meilleur pour ne jamais effrayer le spectateur, mais au contraire le séduire tout en gardant un sentiment de méfiance. Ray est un personnage comme on aime le voir avec ce qu’il faut d’infantile pour le considérer comme un enfant gâté et un zeste de folie pour le rendre suffisamment incontrôlable. Colin Farrell renaît enfin de ses cendres dans cette interprétation aussi impeccable que pointue, permettant de donner une occasion au réalisateur de montrer le côté répulsif de la ville. Le personnage de Ken est, quand à lui, plus nuancé dans ses interprétations. Il donne l’aspect séduisant de Bruges, son côté magique et ensorcelant, comme New York, dans une autre mesure, peut l’être dans l’esprit des touristes. La composition de Brendan Gleeson (gangs of New York, Harry Potter), oscille constamment entre paternalisme inné et sagesse de l’expérience. Ken, fait partie de ses rôles dont on ne sait jamais s’il faut les aimer où les craindre. A l’instar de « Léon », Ken est un tueur tranquille contrôlant totalement ses émotions. Comme les sentiments qu’il éprouve pour la ville il sait séduire par les paradoxes de son métier. Brendan Gleeson rayonne totalement dans sa composition sage de son personnage. Et le duo fonctionne à merveille. Il en va de même pour Ralph Fiennes (Le patient Anglais, La liste de Schindler) qui n’est jamais aussi bon que lorsqu’il donne corps à toute sa folie. A la fois hilarant et terrifiant son apparition est d’une grande qualité et reste certainement l’une des plus marquantes de sa carrière.
Enfin côté réalisation, Martin Mc Donagh donne dans la simplicité mais avec une redoutable efficacité. Jamais avare de bonnes idées, il offre des plans de toute beauté, comme la chute du Beffroi qui reste incroyablement percutante. Le réalisateur sait se faire doux et maîtrise parfaitement son sujet pour savoir faire rire, effrayer ou séduire au bon moment. Comme une recette de cuisine parfaitement dosée, « Bons Baisers de Bruges » est un véritable Thriller, qui sait aussi faire rire le spectateur et l’attendrir le cas échéant.
En conclusion, « Bons Baisers de Bruges » est certes un ovni dans sa construction et dans ses choix, mais il est avant tout un film parfaitement maîtrisé, où les acteurs se révèlent une nouvelle fois au grand public.