Cette série met en scène le juge d'instruction Francis Walder de Neuville et le commissaire divisionnaire Villequier, chargés au sein du SILI (Service d'Information et de Liaison Interministériel), dont ils sont d'ailleurs les seuls membres opérationnels, de mettre au jour les crimes et délits commis dans les hautes sphères de l'État ou de la finance et de confondre ainsi "ceux qui passent toujours entre les gouttes".
Il y a quelque chose de particulier dans cette série qui date des années 70 et qui ne dura que le temps de deux saisons. D’abord un ton particulier, un peu léger et lourd en même temps. Léger notamment par des dialogues et des personnages qui sont ciselés d’une certaine manière pour qu’ils soient en contraste évident avec le reste des personnages, brigands ou politiciens, magistrats ou simple citoyens. Le scénario tisse ses intrigues avec beaucoup de soin et se laisse le temps de les poser, pour que le spectateur ne soit pas tout de suite en terrain connu et qu’il puisse ainsi se laisser porter par une histoire solide et bien construite.
Et puis il y a quelque chose des films de Melville ou d’Yves Robert, ceux avec Delon ou Belmondo, dans lesquels les « flics » ne sont pas le moule de ce qui se fait d’habitude, avec des méthodes propres, des instincts et des liens privilégiés avec les magistrats qui ont également ce sens non conventionnel de la fonction et qui n’hésite pas à cibler les criminels potentiels dans leur propres retranchements pour obtenir la justice quelle qu’elle soit. D’autant qu’ici, les criminels en question, agissent dans les plus hautes sphères de l’état et de la finance, et qu’ils n’hésitent pas à cacher des cadavres dans les placards pour un peu que les intérêts des uns et des autres soient préservés.
Et la série se tiens sur deux saisons avec une régularité et un sens de la narration qui est assez surprenant pour ce type de programme à l’époque. On y voit ainsi les héros se battre contre leurs cibles potentielles mais également subir des pressions de toutes sortes jusqu’à ce que l’énigme arrive à sa fin. La mise en scène est à l’image de ces années soixante-dix, à la fois très académique et en même temps suffisamment décalée pour pouvoir être en accord avec le ton voulu par le scénario. Du coup, on se sent complètement pris par l’action et on se laisse aller à cette série qui semble tout droit venue du cinéma. C’est d’ailleurs d’après le roman éponyme de son auteur Henri Viard que la série fut inspirée. Cet auteur de polar réputé pour son ton très proche des romans de gare, arrive à plonger le spectateur dans des intrigues soignées et parfaitement bien tenues.
Et sous la direction de Denis de La Patellière connu pour des films comme « Le Tatoué » ou « Taxi pour Tobrouk », les comédiens Michel Duchaussoy (Amen) et Pierre Santini (La Guerre de Troie n’aura pas lieu) se laissent aller à une verve et une prestance qui leur va à merveille. L’un joue la désinvolture et la fermeté dans un personnage de juge rarement croisé dans les couloirs d’un tribunal et l’autre le flic instinctif et déterminé qui sait parfaitement faire confiance à la justice de son pays pour faire avancer les choses dans le bon sens.
En conclusion, « Un juge Un flic» est une série qui vaut pour un scénario efficace et particulièrement bien écrit, une mise en scène soignée et inventive malgré les restrictions qu’imposent les tournages pour la télévision, et une distribution qui semble bien s’amuser.