C’est dans les couloirs de leur piscine municipale que Bertrand, Marcus, Simon, Laurent, Thierry et les autres s’entraînent sous l’autorité toute relative de Delphine, ancienne gloire des bassins. Ensemble, ils se sentent libres et utiles. Ils vont mettre toute leur énergie dans une discipline jusque-là propriété de la gent féminine : la natation synchronisée. Alors, oui c’est une idée plutôt bizarre, mais ce défi leur permettra de trouver un sens à leur vie...
S’il devait y avoir une surprise dans le cinéma français en 2018, ce fut sans aucun doute : « Le Grand bain » premier long métrage de Gilles Lellouche. Et ce n’est rien de le dire, parce qu’avec son pitch de « Full Monty » aquatique, le pari n’était pas gagné d’avance. D’autant que l’acteur venait de traverser une petite traversée du désert, se cherchait aussi une nouvelle crédibilité dans le microcosme cinématographique français. Et c’est sur les conseils de son producteur Hugo Selignac que Gilles Lellouche trouva enfin la base solide pour donner une dimension cinématographique à ce qu’il avait déjà écrit depuis 2010. En effet, le producteur lui conseilla de regarder un documentaire sur Arte, qui suivait une équipe suédoise pratiquant la natation synchronisée. Fort d’un tel sujet en cumulant à ses idées le réalisateur en sortit un scénario solide et matériel.
Et ce n’est rien de le dire, tant le scénario est à la fois solide. Aidé dans son entreprise par Ahmed Hamidi, la trame suit donc le parcours d’une bande de personnages cassés par la vie, optimistes, lunaires, dépressifs ou colériques, qui vont former une équipe masculine de natation synchronisée qui va agir comme une thérapie de groupe et leur redonner des espoirs de voir la vie autrement que par la lorgnette obscure et sombre de la dépression. Humaniste, drôle, émouvant, d’une sensibilité renversante, « Le Grand Bain » va bien au-delà d’une simple histoire tournant autour d’une bande de bras cassés. Il embarque le spectateur dans une odyssée puissante de personnages qui se voient couler au fond d’un précipices sans rien pour les relever, mais qui par cette union, ce dénuement, et cette objectif commun vont relever la tête et imaginer un futur plus brillant.
Dans sa mise en scène, le réalisateur fait preuve une fois de plus d’une grande sensibilité et ses influences sont palpables, comme Orson Welles par exemple avec des plans linéaires qui utilisent les ombres pour mieux illustrer les sentiments des personnages. Le réalisateur sait parfaitement garder son rythme et dans l’exercice un peu « Casse Gueule » de mettre en image une épreuve sportive, il s’en tire à merveille et les subterfuges, expliqués dans le making of sont invisibles pour un public non averti. Et Lellouche de multiplier les plans remarquables et de les alterner avec des plans plus classiques nécessaire à la narration. Une chose est sûre le film fonctionne à merveille et nous nous laissons prendre au jeu de la tension régnante à mesure que le film progresse.
Mais la grande réussite de Gilles Lellouche avec « Le Grand Bain » c’est sa direction d’acteur. Car il faut de la détermination pour contrôler les élans d’un
Benoit Poelvoorde (Podium) ou d’une
Guillaume Canet (Les Petits Mouchoirs), lui-même réalisateur, tout en les laissant trouver leur place dans ce groupe. Et c’est un succès car chacun s’intègre à l’équipe et apporte son lot de charisme, de jeux puissant ou discret mais avec une évidente maîtrise.
Mathieu Amalric (The Grand Budapest Hôtel) impose un jeu tout en maîtrise et en profondeur,
Virgine Efira (20 ans d’écart) continue de peaufiner son personnage entre tristesse et comédie, et
Leïla Bekhti (Un Homme Pressé) notre coup de cœur avec
Philippe Katerine (C’est quoi cette famille ?) tout simplement magnifique en personnage tendre et lunaire en même temps. Et puis bien sûr une tendresse particulière pour Marina Foïs (Papa ou Maman) qui nous offre l’une des scènes les plus jouissive du film, et les seconds rôles que sont F
elix Moati (Gaspard va au mariage) irrésistible en pilier de l’équipe,
Alban Ivanov (Le Sens de la fête) et
Balasingham ThamilcheLvan, acteur indien qui compose son premier rôle au cinéma.
En conclusion, « Le Grand Bain » est une véritable réussite et un coup de force de la part de Gilles Lellouche qui fait preuve non seulement d’une très grande maîtrise mais également d’une très forte sensibilité. Pour ce comédien habitué des rôles un peu machiste, c’est une belle preuve d’un artiste complet et plus complexe qu’il n’y parait. Avec un scénario solide et une distribution remarquable de bout en bout, « Le Grand Bain » se laisse dévorer avec plaisir.