L'histoire :
Un chevalier solitaire (David Chiang) décide d’escorter une petite troupe de convoyeurs qui emmènent un chargement d’or à l’autre bout du pays. Mais un redoutable gang de voleurs va chercher par tous les moyens à mettre la main sur le butin…
Critique artistique :
Grâce aux efforts concurrents de
CTV et
Wild Side associés à Celestial Pictures pour la restauration des films, le catalogue de la Shaw Brothers n’en finit plus de dépoussiérer les mémoires restées accrochées à une vision réduite des production du Wu Xia Pian de l’une des plus grosses sociétés de production Hongkongaise. Après les éditions DVD de
Vengeance (1970) par CTV ou de
la trilogie du sabreur manchot de
Chang Cheh par Wild Side, Le sabreur solitaire met en perspective à la fois le personnage du héro solitaire sabreur ou boxeur porté par
David Chiang (récemment dans Frères d'armes (1994) et surtout sous la direction de Johnnie To dans Election (2005)) et les thèmes récurrents du réalisateur Chang Cheh dont il est difficile d’oublier le goût pour les signes sanglants qui giclent des corps en accompagnant le mouvement du sabre ou les éventrements et autres mutilations. En plus de cela, il faut noter un plébiscite évident pour la prédominance des personnages masculins héroïques contre ceux des personnages féminins qui semblent reléguer à des seconds rôles comme pour être certain de magnifier ses héros masculins et une forme de romantisme qui ne se privent pas de métaphores concupiscentes.
Il peut paraître étonnant de parler d’un romantisme propre à
Chang Cheh qui est surtout connu pour sa filmographie constituée essentiellement de films d’art martiaux. Cependant, cet artisan de la Shaw Brothers s’impose en tant qu’auteur par des thèmes et une approche propres des relations entre hommes et femmes alors que l’on connaît une tendance du réalisateur à construire des scénarios teintés d’une relative charge homosexuelle. Il n’en reste pas moins vrai que le réalisateur se permet de montrer des scènes où les personnages échangent parfois des dialogues amoureux évocateurs et emprunt d’un érotisme tels que cette phrase délivrée par
Li Ching à
Ti Lung : « Si ton dard arrive à décrocher ma fleur alors tu pourras annoncer notre mariage ».
L’autre aspect essentiel du film est inévitablement son appartenance à un cinéma de la vengeance qui est très présent dans les films d’arts martiaux et particulièrement dans ceux du réalisateur.
Chang Cheh aimait à faire incarner par
David Chiang des héros solitaires virtuoses et dont la violence tranche parfois étonnamment avec une image et une attitude de dandy sujet à une forme de refoulement sentimental combiné par moment avec une tendance au sacrifice et à l’effacement sentimental au profit d’un rival. Il est aisé de saisir les parallèles entre le scénario du Sabreur solitaire (1969) et de
Vengence (1970) qui révèlent la capacité de Chang Cheh à réutiliser des recettes pour faire du neuf. Les deux films ont ceci de différent que le premier est un film de sabre et le second explore une forme de polar que les combats de rue chorégraphiés par l’excellent Tang Chia créditent de beaucoup de réalisme.
Le sabreur solitaire affiche déjà le duo
Ti Lung /
David Chiang que
Chang Cheh s’ingénie à représenter en homme fatale, séduisant le personnage féminin du film tandis que Ti Lung doit se contenter des restes ou lui être gré de ne pas lui piquer sa petite amie. Dans
vengeance (1971)
Ti Lung incarne le frère manipulé par une épouse qui l’oubliera bien vite par la suite, assassiné très tôt dans un scénario théâtral que le personnage vengeur de David Chiang peut ainsi occuper pleinement. Chang Cheh dessine ainsi au fil de ses réalisations une topologie de la psychologie masculine tiraillée entre les sentiments des amitiés guerrières et un romantisme dont
David Chiang parvient à nous faire ressentir l’intensité des sentiments rejoignant celle des combats ; moments jubilatoires où les giclures rouges zébrant le bleu du ciel sont peut-être les signes d’une forme de jouissance cruelle et guerrière.
Verdict :
CTV propose une édition DVD très correcte d’un des premiers films de David Chiang que l’on découvre déjà dans une esquisse du futur personnage de sabreur manchot que Chang Cheh lui confira 2 ans plus tard dans Le nouveau sabreur manchot (1971) à la suite de Jimmy Wang-Yu, sabreur manchot des deux premiers volets de la trilogie. Le sabreur solitaire est un de ces films qui permettent de retracer certains des mécanismes de la production des films par un réalisateur comme Chang Cheh dans le contexte d’une société de production très présente.
Bonus :
-
Interview de Karim Bourouba (19 mn 38) : il retrace l’histoire de la réception des œuvres de la Shaw Brothers au cinéma puis en VHS autant en version originale qu’en version française. Il fait le parallèle entre les films de la Shaw Brothers et ceux de stars hollywoodiennes comme Clint Eastwood dont on peut aimer les films sans pour autant savoir qui les réalise. Contrairement aux films de Western spaghettis qui ont été défendu asse tôt par la presse, les films de Kung Fu étaient plutôt considéré comme peu intéressants et on du attendre certaines éditions en VHS pour commencer à être réévalué.
- Bande-annonce d’époque (4mn 23) :
en version originale non restaurée
- Nouvelle bande-annonce (1 mn 04 sec) :
nouvelle version à l’image restaurée très belle
- Collection Shaw Brothers : Intimate confessions of a chinese courtisan,
Vengeance,
Shaolin temple,
Super Inframan, Buddha’s Palm, Les 13 fils du dragon d’or, Le colosse de Hong-Kong, Les 12 médaillons d’or, Death Duel, The Bastard,
Humans Lantern.
- Chapitrage en 12 parties.
MenusL’interface est toujours soignée sur les éditions en DVD du catalogue de la Shaw Brothers ce qui est cohérent et heureux quand on voit la qualité du travail de restauration opérée par Celestial Pictures. Il aurait été de fort mauvais goût de présenter un tel travail de manière bâclé. Le fond du premier menu est animé avec des extraits du film et les sous-menus sont statiques mais accompagnés d’un fond musical.