L'histoire :
Revenu d'une terrible guerre contre les mandchous, le chevalier errant Lu Fang, surprend un groupe de villageois malmenant une jeune femme. Les agresseurs lui expliquent qu'il s'agit de la fille d'un magistrat corrompu qu’ils ont été contraints de kidnapper pour protester contre les conditions de vie misérable dont ils sont victimes. Lu Fang choisit alors de soutenir leur cause et tente d’arranger la situation. Mais le magistrat, qui n'est pas du genre à négocier, a déjà engagé une bande de mercenaires impitoyables pour pouvoir mater la rébellion et sauver sa fille...
Critique subjective :
Né en Chine, d'où il avait gagné Taïwan dans les années 1940, Chang Cheh s'était établi à Hong Kong pour y devenir metteur en scène, après avoir débuté en tant que scriptwriter aux studios de la Shaw Brothers. Chang Cheh a découvert de nombreuses stars du kung-fu dont Bruce Lee qu’il aida et
John Woo (qui fut son assistant et fils spirituel).
John Woo s’est d’ailleurs inspiré du film de Chang Cheh, Frères de sang (1973) un film tragique et spectaculaire pour réaliser Une Balle dans la tête (1990). L’œuvre du maître l’inspira également pour réaliser son film Shao Lin men (1976) et il a offert à Chang Cheh une retraire avec les recettes du polar Just Heroes (1987).
Chang Cheh est décédée le 22 juin 2002 à l’âge de 69 ans.
La "marque" de Chang Cheh se caractérise par un usage fasciné et érotique du sang (les personnages s'éventrent, se contorsionnent, grimacent et meurent dans d'atroces douleurs), par la place réduite des femmes qu’il met à l’écart du Wu Xia Pian traditionnel (contrairement aux films de son contemporain King Hu), et par le thème fréquent de l'amitié virile.
C’est d’ailleurs l’aspect violent et sanglant de son film la rage du tigre qui marque le plus rétrospectivement avec le coup des trois épées utilisées par le héro pour vaincre son ennemi. Cette scène est par ailleurs reprise mais modifiée par
Daniel Lee dans son film hommage à Chang Cheh,
Frères d’armes (1994) avec
David Chiang (le sabreur manchot de la rage dut igre), qui tient cette fois le rôle du père de celui (Wu Hsing Kuo) qui se privera d’un bras.
Chang Cheh conserve une grande importance dans le cinéma HK et mondiale car il est le père de deux genres essentiels du cinéma d'arts martiaux ; le wu xia pian (film de sabre) nouvelle manière (dont Tigre et dragon est un avatar) et le kung-Fu Pian (film d’arts martiaux) de Shaolin (réactualisé plus tard par Jet Li).
L’empreinte de Chang Cheh est telle que l’on peut reconnaître son influence dans des productions hollywoodiennes comme
Blade,
Matrix,
Kill Bill et dans de nombreuses autres réalisations qui mélangent allègement Wu Xia Pian, Kung Fu Pian et Chambara, film de sabre Japonais.
Le film La Rage du Tigre est aussi le film de sabre référence de Quentin Tarantino en dépit du fait que dans Kill Bill l’on sent l’influence sanglante du Wu Xia Pian mais peut-être plus celle du Chambara.
Takeshi Kitano nous a aussi remis au goût du jour la légende de Zatoïchi et de son sabre légendaire Zatoïchi (2003).
C’est sous l’influence de son chorégraphe Liu Chia-liang (La 36ème Chambre de Shaolin), que 2 Héros devient le premier film de Chang Cheh consacré à des figures légendaires de Shaolin. Heroes Two, (2 Héros) ouvre la "tétralogie Shaolin" que Chang Cheh réalise en 1974 et qui compte également Men From The Monastery, Shaolin Martial Arts et Five Shaolin Masters. Le Shaolin kung-fu, puise ses racines dans la tradition de la boxe cantonaise, spécialité des chorégraphes Liu Chia Liang et Tang Chia.
Le Trio Magnifique est un film qui marque une tentative expérimentable de la Shaw Brothers avec Chang Cheh à la réalisation afin de produire un nouveau genre de cinéma d’arts martiaux inspiré du chambara ou Chan-Chan Bara-Bara (terme qui désigne l'art nippon du tranchage sanglant et qui reproduit le bruit d’une lame tranchant la chair).
Au début des années 50 le chambara remporte un franc succès au Japon et Run Run Shaw décide de produire des films parvenant au même niveau de qualité que les productions de l’époque telles que Yojimbo
d’Akira Kurosawa (1961) ou le premier
Zatoichi de
Kinji Misumi (1962) qui révolutionnent le box-office et marquent l’apogée du genre.
En 1954 le chambara prend son esssor avec des productions comme le cultissime Les Sept Samouraïs d’Akira Kurosawa. Le chamabara comme le Wu Xia Pian ont un impact sur le cinéma occidental qui se retrouve même (et officiellement) dans Star Wars. En effet, les deux héros C6PO et R2D2 sont directement inspirés de deux personnages du film La forteresse cachée d'Akira Kurosawa. Pour parvenir à égaler le genre, Run Run Shaw décide de mélanger la recette du chambara mais pour raconter des histoires de la culture Chinoise. La Shaw Brothers tente un premier essais infructueux de Wu Xia Pian avec, The Revenge of a Swordsman de Yueh Fung (1963) puis The Red Lotus Temple (1965)de Xu Zeng-hong qui est déjà un peu plus aboutit.
L’essai est transformé en 1966 avec Trio Magnifique qui est un remake du film japonais 3 samourais Hors-la-loi de Hideo Gosha (Goyokin).Un nouveau style de films de sabre, propre aux productions Shaw Brothers était né avec Chang Cheh entouré de stars telles que Jimmy Wang Yu (Un seul bras les tua tous) et Lo Lieh (La main de fer).
Les débuts du Wu Xia Pian nouvelle formule hybride de chambara et de culture chinoise sera quelques temps un peu trop dépendant de la culture chinoise comme on le voit dans Trio magnifique mais il trouvera ses propres thèmes par la suite. Durant les années 70, le genre Wu Xia Pian devient connu en France en succédant au film du western italien, grâce à des stars comme Bruce Lee et des auteurs comme Chang Cheh mais une certaine confusion apparaît en même temps. On nomme hâtivement le genre "film karaté" ce qui conduit par la suite la masse à confondre tous les films où l’on trouve des arts martiaux en masquant l’apport d’auteur comme Chang Cheh dont Olivier Assayas dira en 1984 dans un numéro spécial des cahiers du cinéma sur le cinéma HK qu’il était possible d'identifier la personnalité et le style de son réalisateur.
Trio magnifique n’est pas un film parfait mais il reste un de ces films qui conserve un impact certain sur la culture du film d‘arts martiaux. Il mélange les genres et relève autant du Wu Xia Pian naissant que du Baishi Pian pour les reconstitutions historiques et du Guzhuang Pian car il s’agit d‘un film en costumes.
Le film démarre avec un générique aux images fascinantes et épiques dont on regrette que Chang Cheh n’ait pas utilisé la poétique pour la suite du film. Il faut dire qu’en dépit du peu d’expérience de Chang Cheh en tant que réalisateur à cette époque et du caractère expérimental de la démarche le film est plutôt réussit mais souffre de quelques défauts en particulier pour ce qui concerne le rythme et les dialogues un peu trop longs par moment. Le Wu Xia Pian n’est jamais meilleur que quand il sait enchaîner combats et moments plus calmes selon un rythme qui ne laisse pas le temps de s’ennuyer et la tension s’essouffler.
La relation fraternelle entre les trois héros est sublimée par les plans d’introduction épiques au début du film. Les trois hommes semblent des dieux peuplant le ciel. Chang Cheh s’intéresse principalement aux trois guerriers comme ce sera par la suite souvent le cas dans ses autres films. Les femmes qui tenaient traditionnellement le haut de l’affiche dans les films du genre sont reléguées par Chiang Cheh aux arrières plans au profit des guerriers liés par une relation fraternelle prêts à aller jusqu’au bout et à se sacrifier comme les yakuzas de
Takashi Miike. Ce dernier produit un cinéma auquel il est souvent trouvé des connotations homosexuelles à cause des relations fraternelles entre Yakusas notamment.
Un des aspects marquant du cinéma de Wu Xia Pian hérité de cette époque productive de la Shaw Brothers est l’ambiance si spéciale créée par les décors et en particulier les fonds qui servent de paysage. On perçoit par moment la nature artificielle de ces décors mais sans que cela ne soit pénalisant pour l’histoire. Ces décors ont largement contribués à donner son caractère aux films du Wu Xia Pian.
Verdict :
Des différents films de Chang Cheh proposés par Wild Side Video et la société Celestial Pictures en version restaurée, Trio magnifique est peut-être celui qui est le moins aboutit et reste en même temps l’un des plus fascinant ave la rage du tigre. Le film est plutôt à réserver au fan et connaisseurs tandis que ceux qui découvrent ce cinéma devront l’aborder avec une grande ouverture d’esprit.