L'histoire :
Un acteur d'opéra chinois se rend compte que sa femme lui préfère un petit parrain. Furieux, il se rend chez lui et le défie. Mais un piège lui est tendu et il meurt dans d'atroces souffrances. Son frère, va alors vouloir le venger...
Critique subjective :
Après Wild Side Video qui a sorti
Trio magnifique (1966),
Frères de sang (1973),
2 Héros (1974),
Le retour de l’hirondelle d’or (1968) La rage du Tigre (1971,
critique cinéma) ou encore
la Trilogie du sabreur manchot de
Chang Cheh en version restaurée par les bons soins de Celestial Pictures, c’est au tour de l’éditeur CTV de proposer une sélection de plusieurs films de la Shaw Brothers.
CTV nous propose de découvrir Vengeance de Chang Cheh qui sort en même temps que
Shaolin Temple (1976),
Intimate Confessions of a Chinese Courtesan de Chu Yuan ou
The Super Inframan de Hua Shan.
L’histoire de Vengeance (1970) se déroule en 1925 dans une ville Chinoise à la veille de l’expédition du Nord et est l’occasion de plonger au cœur du motif principal des films de Kung Fu : la vengeance. On ne peut pas faire plus explicite que ce thème qui sera développé encore de nombreuses fois dans le cinéma de Chang Cheh et que l’on retrouve illustrer dans le film Intimate Confessions of a Chinese Courtisan de Chu Yuan dont
Quentin Tarantino ce serait inspiré pour
Kill Bill 1 (2003) et
Kill Bill 2 (2004) ce que l’on peut croire aisément tant les rapprochement sont faciles à faire. Vengeance qui révèle un certain goût pour le tragique a permis à
Chang Cheh de récolter le prix du meilleur réalisateur à l’Asian Film Festival et de voir David Chiang récompensé pour sa performance rehaussée par les chorégraphies bagarreuses de Tang Chia (le sabre infernal) et Yuen Cheung-yan (
Matrix,
Charlie’s Angel).
Le réalisateur met en vedette le duo
David Chiang /
Ti Lung que l’on retrouvera par la suite dans La rage du Tigre (1971) notamment.
Vengeance est un film qui permet de découvrir un autre aspect du cinéma de Chang Cheh à la fois parce qu’il parle des Triades et se situe entre le polar et le film de Kung Fu. On assiste d’ailleurs à un mélange de combats à mains nues, à l’arme blanche et aux armes à feu. Pour ce film,
Chang Cheh prend à contre-pied la logique de l’imaginaire héroïque en faisant mourir très tôt Ti Lung (Yulou) le héro grand et viril. David Chiang (Xiaolou), au visage doux et au look de dandy va chercher à venger ce frère mort dont on voit quelques moments de complicité en flash Back.
On connaît le goût de Chang Cheh pour les scènes auxquelles une certaine charge homosexuelle ne serait pas absente. Naturellement en voyant le physique de jeune premier, doux, précieux de
David Chiang et qui se comporte comme un dandy évoluer à l’écran on ne peut s’empêcher de penser que Chang Cheh devait vouloir lui donner la part belle. Ainsi non seulement le personnage incarné par
Ti Lung se fait tuer de manière assez facile mais en plus il nous est montré comme un homme presque manipuler par une épouse qui l’oubliera bien vite par la suite. Ainsi le frère dandy qui se remet les cheveux en place avec un certain raffinement s’avère animé d’un sentiment de vengeance qu’il transforme à l’écran en une expression violente que les chorégraphies (mélange de bagarre de rue et de combat à l’arme blanche) de Tang Chia créditent de beaucoup de réalisme. Tang Chia est l’autre chorégraphe maison de la Shaw Brothers que l’on a tendance à placer en retrait par rapport à Liu Chia-liang (La 36e Chambre de Shaolin) dont le style est pratiquement l’opposé.
Comme à son habitude Chang Cheh relègue les femmes aux seconds rôles et pas forcément les plus flatteurs. La femme de Yulou, le frère défunt est une sorte de traîtresse, presqu’une traînée tandis que celle qui aime Xiaolou, le frère vengeur est plutôt effacée. A cet égard l’analyse de Julien Sévéon en bonus est assez juste quand il dit que Chang Cheh aurait pu se passer de la deuxième femme car elle ne joue pas un rôle très important dans le scénario en revanche l’épouse de Yulou est celle par qui arrive les ennuis puisqu’elle est convoitée par le vilain Feng Kaishan qui la courtise tandis qu’elle montre peu de résistance. On verra plus loin dans le film qu’une fois abandonné par Feng Kaishan, Xiaolou la retrouvera dans les bras d’un de ses hommes.
A nouveau on assiste à des scènes où explose le goût de
Chang Cheh pour les combats durant lesquels
les gerbes de sang s’élèvent dans les airs tels des signes jaillissant des corps frappés par de nombreux combattants. Le ralenti appliqué à ces moments où le combattant frappé se tord de douleur permet de conférer à la souffrance et à l’imminence de la mort une beauté morbide dont
le rouge sang voisine avec celui des fleurs. Cette théâtralité de la survenance de la mort est trahit par la juxtaposition des images de la pièce de théâtre où Yulou (Ti Lung) meurt sur scène tandis qu’on le voit mourir les deux yeux crevés, le ventre transpercé (mutilation très appréciée par Chang Cheh) et se débattant dans le vide pour frapper ses adversaires dans un ultime souffle de survie.
Le comédien qui maîtrisait quelques temps auparavant l’espace de la scène n’est plus qu’une marionnette du destin, privé de la vue au milieu d’un théâtre qui veut sa mort pour justifier la vengeance d’un frère que l’on devine secrètement toucher bien au-delà de l’amical fraternité.
Verdict :
Avec vengeance nous découvrons un autre aspect du cinéma de Chang Cheh et nous ne pouvons que nous réjouir de pouvoir enfin voir tous ces films de la Shaw Brothers que Celestial Pictures restaure avec rigueur. Ce film qui intervient avant la rage du tigre est l’occasion ( avec les autres sorties DVD du catalogue) de faire un peu prendre conscience que la Shaw Brothers et Chang Cheh n’ont pas réalisé que des films en costume d’époque et que de nombreuses expériences cinématographiques ont été tentées. Une fois de plus on retrouve l’expression de la vision vigoureuse de Chang Cheh dans un très bon film où l’histoire prend la dimension de la tragédie.