L'histoire :
Surentraînée, aguerrie à toutes les formes de combat, assassin hors pairs, insaisissable et sans aucune pitié, Hee est l’élément le plus dangereux des services spéciaux Nord-Coréens. Après plusieurs années d’absence, elle réapparaît soudainement à Séoul. Son but : déclencher, avec ses complices, une guerre en faisant exploser une bombe au CTX, un explosif très dangereux qui ne nécessite pas de détonateur, au stade de Séoul pendant que les présidents des deux pays assisteront à un match opposant le Nord et le Sud. Alertés, les services secrets de la Corée du Sud chargent les agents Lee et Ryu de retrouver la tueuse. Problème : personne de connaît le visage de Hee.
Critique artistique :
La séparation des deux Corées est un des grands motifs que le cinéma sud-coréen ne cesse d’explorer en tournant très vite, comme si une menace tout aussi absurde que la division du Pays du matin calme, planait au-dessus du fleuve de Séoul, tel le monstrueux mutant qui habite les eaux du fleuve dans
The Host (2005). Du monstre aquatique de The Host au poisson coréen swiri qui prête son nom au film de Je-gyu Kang (Gingko Bed (1996)), on avance en eaux troubles. Comme l’explique le personnage joué par
Choi Min-sik, les poissons de l’espèce Swiri vivent généralement dans les torrents ; ils ont été séparés comme les deux Corées mais un jour ils se retrouveront dans le même torrent. Si la préoccupation de la division et de la réunification des deux Corée est le thème central de Shiri (1999), le réalisateur l’a également abordée dans
Frères de sang (2004), film poignant sur la guerre historique entre les deux Corée. En dépit de son apparente légèreté et du parti prit des scénaristes d’en faire un film d’action et un divertissement, Shiri est sorti à une époque où la censure venait d’être levée (1997) et se permet de mettre le doigt sur des questions politiques sensibles à l’instar d’autres films plus récents tels que
Double Agent (2003) ou The President's last bang (2005) dans lesquels figure notamment l’acteur
Suk-kyu Han. The President's last bang et
The host (2005) vont cependant plus loin que Shiri en utilisant respectivement le ton de la farce politique et de la satire d'anticipation.
Shiri a connu un énorme succès avec plus de 6 millions de spectateurs en salles, détenant à l’époque le record d’entrées du cinéma coréen, tous genres confondus. Il est un des rares films à avoir détrôné le Titanic de
James Cameron. Depuis d’autres films comme
Silmido(2003),
Taegukgi (2004), King and the Clown(2005) ou
The Host(2006) ont fait exploser le box-office en dépassant la barre des 10 millions de spectateur en Corée. Shiri a cependant créé un précédant, aidé sans doute par la mise en place d’une loi datant de 1966 qui n’a été réellement appliquée que depuis 1993. Ces quotas imposent aux exploitants la projection obligatoire de 6 films coréens pendant 146 jours (à l’origine, 90 jours). Ce succès national s’est accompagné d’un succès international qui a permis notamment à l’actrice
Kim Yoon-jin de conquérir de nouveaux fans japonais qui se sont mis à apprendre le coréen pour lui écrire et surtout à obtenir un rôle dans la série télévisée
LOST (58 épisodes, 2004-2007), aux Etats-Unis où elle a triomphé en incarnant Sun Kwon. A ses côtés, dans le rôle d’un terroriste on retrouve Choi Mink-sik, un acteur talentueux et très cinégénique.
Choi Mink-sik est devenu très connus en jouant notamment dans le très beau Ivre de femmes et de peinture (2002) de Im Kwon-taek et surtout
Old boy (2004) et
Lady vengeance (2005), respectivement les deux derniers volets de la trilogie sur la vengeance de
Park Chan-wook. A l’instar de l’acteur Jang Dong-gun, il a protesté contre la réduction des quotas du cinéma coréen en renvoyant au gouvernement, L'Ordre du Mérite Culturel qu'il a reçu pour son rôle dans Old Boy.
Si Shiri est placé sous le signe de la dualité pour parler de celle de la Corée, il faut remarquer que le personnage central incarné par l’actrice Kim Yoon-jin, est tout aussi double. A ce titre le personnage incarné par
Suk-kyu Han la décrit comme une hydre, personnage de la mythologie Grecque à 6 têtes, capable de passer de l’une à l’autre : tantôt Hee, l’espionne terroriste nord-coréenne et tantôt Hyun, la fiancée de l’espion sud-coréen ; deux têtes d’une hydre que la séparation des deux Corées aurait fait naître. Elle aussi apparaît comme un monstre, un mutant transformé en machine à tuer par la Corée du Nord qu’elle quitte pour infiltrer la Corée du Sud mais que l’on voit à l’œuvre lors d’une scène d’ouverture terrible où des terroristes nord-coréens s’entraînent au combat et à l’assassinat sur des cibles humaines. Le réalisateur s’en donne à cœur joie, annonçant très tôt la couleur de son film qu’il veut violent, intense et radical, usant de toutes les figures consacrées du film d’action. Si il est vrai que d’un point de vue technique Shiri n’a rien à envier à d’autres films d’action hongkongais par exemple, son rythme semble s’essouffler par moment un peu comme dans
Tube (2003). Stade ultime de la transformation chirurgicale, l’hydre se veut mimétique en prenant le visage d’une autre femme à laquelle elle emprunte aussi le nom. On peut d’ailleurs être tenté de considérer que la vraie Hyun à laquelle Lee rend visite à la fin du film est une des têtes de l’hydre ; la bonne. Elle écoute d’ailleurs « When i dream » de Carol Kidd, la chanson préférée de Hee. Shiri est un divertissement, un film d’action mais il n’en reste pas moins profondément humain en laissant voir les faiblesses des uns et des autres ; celle de l’agent Lee qui n’a jamais soupçonné sa fiancée et la confusion des sentiments de Hee.
Verdict :
La séparation des deux Corées est un des grands motifs que le cinéma sud-coréen ne cesse d’explorer et Shiri est un des premiers films à s’être emparé de ce thème peu de temps après la suspension de la censure intervenue en 1997. Bien qu’il s’agisse d’un film d’action pur et dur, le point de vue politique affiché dans le film sur l’état de la Corée a constitué un évènement que les années risque de rendre moins intense. Un film qui s’inscrit cependant dans un processus nécessaire et de retour critique sur l’état critique d’un pays coupé en deux pour el malheur d’un peuple.