L'histoire :
Madrid. Les quartiers pauvres et effervescents de la classe ouvrière, où les immigrés des différentes provinces espagnoles partagent leurs rêves, leur vie et leur fortune avec une multitude d'ethnies étrangères. Trois générations de femmes survivent au vent, au feu, et même à la mort, grâce à leur bonté, à leur audace et à une vitalité sans limites.
Critique artistique :
Pedro Almodovar qui voulait rentrer à l’école du cinéma de Madrid qui venait d’être fermé sur l’ordre de Franco a su s’accrocher à son rêve pour produire une série de films qui restent longtemps à l’esprit. Dans la traînée du cinéma féminin de Almodovar on compte de nombreuses actrices de talents telle
Victoria Abril, héroïne de Kika (1993) et
Attache-moi ! (1990) ou encore Talons aiguilles,
Marisa Paredes (tout sur ma mère),
Carmen Maura (
Femmes au bord de la crise de nerfs (1988), Matador (1986) et La Loi du desir (1987)),
Penélope Cruz (En chair et en os (1997), Tout sur ma mere (1999) et bientôt La Piel que habito (2007)) ou
Lola Duenas (
Parle avec elle (2002)). Il a aussi fait émerger des talents comme
Antonio Banderas dans Matador (1988) puis
Attache-moi ! (1990) et a révèlé
Gael Garcia Bernal dans
La mauvaise éducation (2004). Réalisateur et scénariste, il fait parfois l’acteur et fait mouche en tant que producteur avec
Ma vie sans moi (2003) et The Secret life of words (2004) de
Isabel Coixet. Le réalisateur a reçu de nombreux prix à l’étranger dont le prix de la mise en scène à Cannes, l'Oscar et le César du Meilleur film étranger, un Golden Globe, sept Goya.
Volver (2005) a reçu un César collectif d’interprétation féminine (et Indigènes le prix masculin équivalent) au festival de Cannes 2006 ce qui est pleinement justifié si l’on en juge par la prestation des différentes actrices du film. Carmen Maura est toujours aussi présente et efficace, tandis que Penélope Cruz occupe l’espace de l’écran admirablement tantôt explosive, regard cerné de noir tantôt fragile, la larme au coin de l’eoil ou le sourire ravageur sur les lèvres.
Penélope Cruz est fantastique dans ce film. Une brune incendiaire, noir aux yeux, rouge à la bouche parfois en robe noire ou enrobée dans un petit gilet rouge, de grandes boucles d’oreilles rondes, des cerceaux pendus aux oreilles émergeants de la chevelure ramenée en un chignon négligé mais toujours pétillante, explosive pour retrouver subitement une fragilité camouflée sous le dynamisme des femmes de La Mancha dirons nous. Sa soeur Sole (
Lola Dueñas) maintient son personnage avec un sourire béat qui sait naturellement laisser passer un éclair de surprise sur son visage mais le tout avec une légèreté que l’on retrouve chez
Carmen Maura, dont
Pedro Almodovar dit que la technique s’exprime vite. Le réalisateur connaît bien ses actrices et en particulier Penélope Cruz qu’il sait lente à démarrer lors des scènes.
Si le personnage incarné par Penélope Cruz chante Volver, accompagné de guitares sèches au milieu de la fête, Pedro Almodovar pourrait vouloir célébrer son retour cinématographique à La mancha, la région d’où est originaire sa mère et le retour à un cinéma qui a fait sa réputation entouré de quelques unes de ses actrices fétiches : tout d’abord Carmen Maura, qu'il n'avait pas dirigé depuis Matador puis Penélope Cruz, son égérie dans le rôle de Raimunda et enfin Lola Dueñas (
Parle avec elle(2002)). Le film précédent du réalisateur madrilène,
La mauvaise éducation (2004) s’éloignait de sa mythologie toute féminine pour évoquer des souvenirs de jeunesse troublés de jeunes hommes après une série de film où les femmes étaient à l’honneur. Avec Volver, on replonge dans cet univers féminin d’où ne se distingue aucun homme à la hauteur de la force et du courage de ces femmes dont se souvient le réalisateur. Pour tout dire le seul père que l'on croise s'avère être un père de substitution, seul homme présent mais sombrant très vite dans un scénario en faisant un triste individu qui ne l’emportera pas au paradis. Volver raconte des histoires de mort, de fantômes et de femmes qui s’occupent les unes des autres, de celles qui ont tenues les cordons de la bourse de la famille durant la longue période de disette qui a sévit en Espagne après la 2eme guerre mondiale. Les femmes de La Mancha étaient très fortes dans le souvenir de Pedro Almodovar.
Le réalisateur évoque lui-même l’ambiguïté qu’il peut y avoir autour de Volver, que l’on peut prendre pour un film surréaliste alors qu’il s’agit finalement d’un film réaliste qu’il qualifie lui-même de naturalisme irréel. Les fantômes de Volver sont surtout des histoires qui hantent ses personnages, emprunt d’une certain pittoresque en particulier quand on les suit dans le cimetière où Augustina (Blanca Portillo) entretient sa propre tombe ; la tradition comme pour attraper la mort par les cornes. Ceux qui reviennent pourraient chanter les paroles de la chanson Volver : « revenir le front fané, les temps argentées, par les neiges du temps, Sentir que la vie n’est qu’un souffle ». Tout est dit dans ce tango apprit à Raimunda étant enfant par sa mère. Car Volver est un film sur la maternité, les mères à l’image de Anna Magnani en train de se recoiffer debout devant le miroir, en combinaison dans Bellissima (1951) de
Luchino Visconti, film du néo-réalisme italien que l’on voit Irene, la mère regarder à la télévision avec un air compréhensif et approbateur. Bien qu’accablée de problèmes et de soucis, la mère italienne courageuse va se débrouiller comme elles se le disent dans Volver. Les fantômes ne pleurent pas dit Irene à la fin à sa fille signifiant par là qu’elle n’est pas un fantôme alors qu’elle s’avance dans la pénombre en pleurant. Avec courage.
Verdict :
Après La mauvaise éducation (2004), le réalisateur madrilène, Pedro Almodovar signe Volver (2005) qui a reçu un accueil très chaleureux au festival de Cannes où il a glané le prix collectif de l’interprétation féminine et celui du scénario. Pedro Almodovar marque son retour à un cinéma féminin qui a fait son succès et retrouve Carmen Maura, une de ses actrices fétiche, Penélope Cruz, son égérie et Lola Duenas qu’il avait dirigé dans Parle avec Elle (2002). Une comédie dramatique qui ménage du suspens, de l’émotion forte et des rires car elles sont drôles les femmes de La Mancha, fortes, si fortes et tellement naturelles qu’elles font sourire. Le naturel généreux des actrices provoque des émotions plaisantes.