En 1644, Molière n’a encore que 22 ans. Criblé de dettes et poursuivi par les huissiers, il s’entête à monter sur scène des tragédies dans lesquelles il est indéniablement mauvais. Et puis un jour, après avoir été emprisonné par des créanciers impatients, il disparaît…
Deux années capitales faites de rencontres, d’apprentissages et d’aventures, qui forgeront le destin…du grand Molière.
Molière au même titre que Shakespeare, a toujours suscité l’intrigue autant que la peur. L’intrigue, car cette auteur génial, savait mêlé habilement la satyre sociale et la comédie. Premier auteur à critiquer la société tout en la faisant rire, Molière eut le génie de manipuler les mots pour leur avoir un double sens, dans une période où la finesse n’était l’apanache que de quelques élus. Quelque peu effrayant pourtant, car rare sont les cinéastes qui osèrent se lancer dans une réelle biographie, et ainsi mis à part le très excellent « Molière » d’ Ariane Mnouchkine en 1978, rien ne fut fait sur cet auteur tant il serait impensable d’associer l’approximatif à l’excellence de cette vie.
Aussi l’idée d’associer les personnages de Molière à sa propre existence est une idée absolument attirante. Comme ce fut déjà le cas avec Shakespeare dans l’excellent "Shakespeare in love" de John Madden en 99, le mélange de l’œuvre avec la vie de son auteur ouvre des possibilités narratives merveilleusement intéressantes. Car même si la Grande histoire contredit la petite, on aime à penser que Roméo fut un jour William amoureux d’une belle jeune fille au point de vouloir mourir pour elle.
Pour Molière, comment ne pas aimer l’idée que notre plus grand auteur français ne se soit pas retrouver chez un richissime bourgeois aspirant à devenir gentilhomme et qu’ainsi de péripéties en péripéties, d’amour en tendresse, ce dernier n’est pas tour à tour joué les mots avant de les écrire.
Le choix des acteurs y faisant beaucoup pour la crédibilité de l’entreprise, celui de Romain Duris (L’auberge Espagnole, De mon cœur s’est arrêté) pour interpréter Molière parait subitement aussi logique que celui d’y associer Fabrice Luchini (Jean-Philippe, La cloche a sonné) en richissime bourgeois, tendrement amoureux et si facilement dupe. Un duo énergique qui fonctionne à la perfection. Une osmose que vient compléter la présence douce et follement glamour de la belle Laura Morante (Fauteuils d’Orchestre, L’empire des loups), qui semble toute droit sortie d’une pièce de notre auteur. Un casting éblouissant auquel s’ajoute la force comiquement pathétique de Dorante, cruellement interprété par un Edouard Baer (Le bison, La fille coupée en deux) totalement inspiré, et la douceur parfois cruelle de Ludivine Sagnier (8 femmes, Peter Pan) qui parait être la réincarnation d’une de ces femmes hautaines et pourtant si fragiles, tant de fois décrite dans les pièces de Molière.
Emmené par ce casting impressionnant de justesse et d’énergie, « Molière » est une véritable réussite qu’il faut apprécier à sa juste valeur. Loin d’être une biographie exacte de Jean-Baptiste Poquelin, il permet simplement de créer une envie irrésistible de replonger dans les pièces de ce génial auteur de comédie, jamais égalé à ce jour. Un film dont la valeur est indéniable et dont la mise en scène particulièrement inspirée de Laurent Tiard (Secrets et mensonges et plus si affinités…, Prête moi ta main) force le respect. Une véritable réussite de vulgarisation d’une histoire pour mieux lui rendre toute sa superbe. Les mots de Molière croisent les phrases plus contemporaines du scénario, dans une étrange farandole au point que l’on entendrait presque la musique de Sully poindre au loin.
En conclusion, un film qui nous rappelle que les pièces de notre répertoire classique ne sont pas si éloignées de nous et qu’utiliser les pièces d’un auteur pour la mélanger à sa vie est un élixir de plus pour s’approcher de son œuvre et mieux en comprendre son essence. Une réussite totale que ce Molière, au plaisir totalement jouissif, même pour les plus néophytes.