L'histoire
Japon, vers 1860 : Sugi, samouraï déshérité par sa famille, a trouvé un nouveau père en la personne d'Ikémoto, espion shogunal auprès duquel il a acquis la force et la vertu des arts martiaux. Le mentor veut tenir son jeune disciple à l'écart des troubles politiques qui déchirent le pays et auxquels il est mêlé par ses fonctions. Son enseignement doit aider Sugi à vivre dans la nouvelle société qui va bientôt remplacer celle des samouraïs. Mais Ikémoto est tué par les hommes des clans du Sud, ennemis du Shôgun. Le sabre de Sugi va alors hésiter entre le vengeance meurtrière qui le mènerait à sa perte et le renoncement à la violence, promesse d'un avenir meilleur.
Critique artistique
Dernier film du réalisateur Kenji Misumi, "Les derniers samouraïs" est aussi le seul dont le scénario est signé de sa main. Kenji Misumi a qui l'on doit aussi une bonne partie des "Baby Cart" dont certain des plus réussis, mais aussi quelques films sur le thème de "Zatoïchi". Le cinéaste "star" des studios DAIEI, grand spécialiste des "Chambaras", trouve en quelque sorte sa consécration dans ce 68 eme film, qui retrace le passage de l'époque féodale à l'ère moderne. Une occasion pour l'auteur de définir, sur fond historique et social, l'esprit des "samouraïs" au travers de 4 destins entremêlés.
Si l'on devait replacer "Les derniers samouraïs" dans la filmographie de Kenji Misumi, il s'apparenterait au film de samouraïs le plus sérieux qu'il est réalisé. Habitué des films violents et assez peu de moyen en général, il développe tout de même un style qui lui vaut une nouvelle reconnaissance posthume. Un style qui s'exprime par un sens du découpage des plus efficace. Il se voit là confier, pour la seconde fois, un projet à gros budget et dans la tradition de ses films antérieurs, il créa une oeuvre à part.
Il est aussi intéressant de remarquer certaines similarités entre les films de Kenji Misumi et quelques grands westerns, notamment pour ce qui est du découpage de certaine scène de combat, gros plan fixe sur les yeux, des plans taille soignés . En outre, les chorégraphies de combat qui s'expriment lors de long plan-séquence sont très bien interprétées par les différents acteurs. La musique, composé par Akira Ifubuke, donne un côté très solennel à l'ensemble du film, détail amusant elle est assez moderne. Un choix qui n'est pas anodin quand on connait l'attachement culturel que les japonais ont pour la tradition. Parfois aidant à rendre l'ambiance western, parfois proche des mélodies de Nina Rota. Les effets, comme par exemple les transitions flashbacks en noir et blanc, ne sont pas utilisés à outrance, mais avec efficacité. Alternant entre scènes d'ambiance et grandes scènes de guerre, la justesse du ton prouve avec quelle maturité Kenji Misumi avait développé son art. Les magnifiques cadrages ainsi que le travail sur la lumière tranchée prouve une fois de plus l'approche très graphique que le réalisateur avait avec le cinéma. La mise en scène très importante dans ce genre de film ne souffre d'aucun défaut, bien au contraire elle recèle de belles trouvailles, comment oublier la scène du baiser ? En somme, beaucoup de bonne choses composent ce film mais c'est surtout l'aspect humain que Kenji Misumi insère chez ses samouraïs qui frappe le plus. Son héros principal est fondalement humaniste à l'image des autres personnages, de celui qui de paysan deviendra ministre après la guerre, à l'enfant déshérité qui n'a jamais eu pour autre modèle que son maître en passant par le chef de clan et la geisha prostituée.
Pour ce qui est du travail de restauration, une fois de plus il est de très bonne qualité. Aucun élément n'a été délaissé tant à l'image qu'au son. Les menus sont soignés et l'impression générale est qu'une belle édition a été faite pour rendre hommage à ce film encore trop méconnu.
Verdict
Certainement l'un des meilleurs films de Kenji Misumi. Une sorte d'apothéose tant sur le fond que sur la forme, le passage de l'ère féodale à l'ère moderne comme obligation de ne plus traiter du passé, mais de la nécessité de s'adapter à la modernité ? Une oeuvre incontournable du cinéma japonais.
Très belle édition je le répète, on trouve une galerie photo magnifique, un court sujet sur "Qui sont les derniers samouraïs ?" mais surtout un entretien avec Masanori Sanada, producteur à la Katsu et Kazuma Nozawa, biographe de Kenji Misumi.