Critique subjective :
Petit retour en arrière. 2002, Mick Garris organise un repas réunissant des grands noms de l’horreur (John Carpenter, Don Coscarelli, Joe Dante, John Landis, Tobe Hooper, Stuart Gordon, Guillermo Del Toro, etc.). Sorte de colloque informel, l’expérience s’impose comme un moment de convivialité apprécié de tous les participants. Emballé, Garris organisera d’autres dîners auxquels se joindront de nouveaux convives. De cette expérience naîtra la série Masters of horror (deux saisons et 26 épisodes diffusés sur la chaîne Showtime entre 2005 et 2007). Son concept ? Un budget prédéfini (le même pour chaque épisode) mais une liberté artistique absolue, notamment en matière de violence graphique. Si ce concept open bar trouvera malgré tout ses limites (le Jenifer d’Argento sortira dans une version tronquée et l’épisode signé Takashi Miike sera privé de diffusion TV), il donnera naissance à d’éclatantes réussites (La survivante de Don Coscarelli, Jenifer de Dario Argento, …).
Rachetée par Lionsgate en 2008 et destinée à être diffusée sur NBC (une chaîne nationale), la série, rebaptisée Fear itself, connaîtra ensuite un cahier des charges plus sévère (peu de gore, pas de nudité, une durée ramenée de 40 à 60 minutes), large audience oblige. Si plusieurs talents accepteront de rempiler (Brad Anderson, John Landis, Stuart Gordon, Ernest Dickerson, Rob Schmidt), certains grands noms manqueront cruellement à l’appel (Carpenter, Argento, Dante, Coscarelli, Cohen). Le résultat ? Petit tour d’horizon des treize épisodes de ce « Masters of horror saison 3 ».
Le dévoreur (Eater) de Stuart Gordon. Huis clos horrifique simple, très efficace et mâtiné d’un esprit Contes de la crypte. La série commence en grande pompe. A noter que le script aurait parfaitement convenu à John Carpenter.
Ame errante (Spooked) de Brad Anderson. Partant d’une intrigue fantastique très classique, Anderson creuse à nouveau sa thématique de prédilection : un individu (ici Eric Roberts, parfait dans un rôle d’ancien flic borderline) littéralement hanté par la culpabilité.
Résidence surveillée (Community) de Mary Harron. L’un des épisodes les plus originaux en termes narratifs. Comme avec American psycho, Harron opte pour l’horreur sociale (il est ici question d’une banlieue fermée dans laquelle la tranquillité se paie très cher). Dommage que la mise en scène soit pantouflarde.
Le sacrifice (The sacrifice) de Breck Eisner. Un huis clos vampirique sans originalité. On retiendra seulement le superbe décor où se déroule l’action : un fort entièrement en bois.
La lettre (In sickness and in health) de John Landis. En pleine forme, Landis signe un épisode se déroulant sur fond de mariage. Ecrit par Victor Jeeper creepers Salva, le scénario maintient l’horreur en sourdine avant de la faire exploser dans une conclusion macabre façon Tales from the crypt.
Volte face (Family man) de Ronny Yu. Ni plus ni moins qu’une resucée fantastique du Volte face de John Woo. Un sous X-Files sans intérêt.
La morsure (Something with bite) d’Ernest Dickerson. Toujours inspiré visuellement, Dickerson allie adroitement horreur et humour dans une histoire de lycanthrope portée par Wendell Pierce, l’inoubliable Bunk de The wire.
Le réveillon de la fin du monde (New year’s day) de Darren Lynn Bousman. Une bande zombiesque shootée comme un épisode de Saw. Bousman utilise encore et toujours les mêmes artifices agaçants (grain, filtres, montage ultra cut) et confirme, une nouvelle fois, qu’il est un réalisateur irrécupérable (rappelons qu’il a commis l’abominable Repo ! The genetic opera). L’épisode le plus faible de la série.
Le ranch maudit (Skin and bones) de Larry Fessenden. S’appuyant sur une direction artistique irréprochable, Fessenden renoue avec le mythe du Wendigo et donne la vedette à un Doug Jones (Hellboy, Le labyrinthe de Pan) terrifiant. Très bon.
Double chance (Chance) de John Dahl. Réalisation hyper carrée pour un épisode tenant davantage du film noir que du fantastique. Dommage que l’intrigue manque d’originalité.
Spiritisme (The spirit box) de Rob Schmidt. Une histoire de fantôme classique mais bien troussée (réalisation au cordeau).
Réincarnation (Echoes) de Rupert Wainwright. Intrigue convenue (tout est dans le titre), progression narrative laborieuse et répétitive. Faiblard.
Le cercle (The circle) d’Eduardo Rodriguez. S’il brasse (maladroitement) des thématiques « kingiennes » et pompe grossièrement Evil dead, Le cercle s’avère, malgré tout, un épisode plutôt plaisant.
A l’arrivée, on se retrouve avec des épisodes d’un niveau variable, ce qui était déjà le cas sur les deux saisons de Masters of horror. Peu de mauvais (Le réveillon de la fin du monde, Réincarnations), seulement deux pépites (Le dévoreur, Le ranch maudit) et une qualité générale très correcte. Le bilan est donc positif. On déplorera toutefois le manque d’originalité de l’entreprise (on retrouve presque toutes les figures classiques du genre : serial killer, lieu maléfique, vampire, loup-garou, zombie, Wendigo, dopplegänger, fantôme, sorcière) et le peu d’audace des réalisateurs, qui ont tendance à rester en terrain connu (leur travail sur Fear itself renvoie souvent à certains de leurs longs-métrages).
Verdict :
Jamais plombée par un cahier des charges plus exigeant que jadis, cette « saison 3 de Masters of horror » s’avère très fréquentable. Dommage que NBC n’ait pas souhaité poursuivre l’expérience.