Reflets de Cannes et Cinépanorama : Le cinéma selon François Chalais

Journaliste, écrivain, réalisateur, producteur, François Chalais fut aussi chroniqueur cinématographique pour Reflets de Cannes et Cinépanorama. Cet homme savait tout faire et nous livre le tout-cinéma des années 50 et 60 en interviewant les plus grands noms du cinéma pendant près de 15 ans.

Alors que le cinéma mondial entre en ébullition autour d’une ville du sud de la France qui résonne depuis plus de 60 ans comme le reflet des lumières scintillantes des superproductions et la réflexion parfois douloureuse d’un cinéma intellectuel, les journalistes et autres ecrivains imposés tentent de trouver l’interview qui les fera rentrer dans l’histoire du festival, courant comme une meute assoiffée d’audimat ou de ventes record pour avoir posé la même question que tous les autres confrères, mais de manière peut-être plus pertinente. A l’heure où le cinéma perd ses derniers relais sur les chaines de télévision public, quand un public ne se retrouve plus dans des émissions soit trop expéditives, soit trop élitistes, l’Ina nous rappelle qu’un journaliste avait su créer, par un amour réel du cinéma et un soin subtil de la mise en scène, un style d’interview original et intelligent.

François Chalais savait parler aux comédiens et aux réalisateurs, qu’ils soient monstres adulés ou stars en devenir, le journaliste parvenait avec un regard aiguisé à plonger dans l’intimité de ses interlocuteurs célèbres et a ainsi donner une dimension réelle aux interviews sur la Croisette ou dans le cadre de l’émission Cinépanorama. Incapable de rester enfermé dans une série de question navrante de banalité, François Chalais aimait faire parler ses illustres interlocuteurs pour mieux les sortir d’une promotion imposé. Ainsi Michel Simon rentre dans une conversation autour de l’amour des animaux, John Wayne parle de John Ford et ainsi de suite.

Ce coffret passionnant nous plonge dans l’univers de ce journaliste hors du commun, véritable amoureux du cinéma, qui possédait un sens inné pour découvrir les futurs stars ou les comètes éphémère d’un festival en ébullition. L’interview de Claudia Cardinale est d’ailleurs le plus bel exemple, l’actrice sourit de toute sa jeunesse et le journaliste, toujours dans un langage particulièrement soigné parvient à faire naitre sous nos yeux les premières brillances de la star qu’elle deviendra ensuite.

On ne pourra toutefois pas, et cela ne peut pas être considéré comme un défaut, éviter de ressentir une certaine frustration de ne pouvoir en avoir plus. Car L’Ina fut obligé de choisir dans une multitudes d’interviews, celles qui pouvaient être les plus représentatives du talent de François Chalais. On en veut toujours plus : Plus de Cecil B. DeMille, plus de Bourvil, plus de John Wayne. Car le journaliste, parvient comme plus personne maintenant, à faire s’ouvrir les star, à les faires réfléchir sur la condition éphémère de leur statut, à l’image de Lino Ventura s’interrogeant sur la lassitude éventuelle du public face à des rôles par trop souvent identiques, ou encore la bagarre entre Fellini et Visconti que le journaliste semble entretenir avec délectation.

Décomposé en 3 dvd, le coffret proposé par l’Ina s’adresse principalement aux amateurs de cinéma, mais pas seulement, tant les extraits d’émissions sont captivant. Du loin de notre époque ultra cadré, le cinéma de François Chalais n’en ressort qu’avec plus de sincérité. Une sincérité bien trop souvent abandonné au profit du politiquement correct, des promos rigides et des confessions abandonnées par peur du faux-pas. Pourtant l’ensemble n’a pas pris une seule ride et l’on se régale de ses dialogues savoureux.

Une image soignée avec des noirs et blancs particulièrement bien tenues. Les contrastes donnent une véritable profondeur à l’ensemble. Le support est d’une grande efficacité pour donner un véritable volume aux ambiances, et tout son sens aux archives, y compris dans les extérieurs de Cannes.

Inévitablement crachotant, du fait de son âge, l’ensemble reste toutefois supportable et évite l’agressivité de l’âge. Soigné dans son support, la piste sonore n’a pas à rougir de son âge, bien au contraire.

Sur la troisième galette on peut découvrir les dessous du programme et un très beau reportage sur ce journaliste hors du commun, en complément des reportages qu’il avait réalisé autour de tournages aussi célèbres que « Ben-Hur », « Le corniaud » ou encore «  Angélique, Marquise des anges ». Un vrai bonheur à la hauteur du personnage.