L'histoire :
#1 Résumé du film « Turning gate» Gyungsoo, un comédien de théâtre désespéré par l'échec de son premier film au cinéma, quitte Séoul pour rendre visite à Sungwoo, un vieil ami écrivain qu ile présente à une magnifique danseuse, Myungsook. Les deux jeunes gens s'éprennent, mais Sungwoo est secrètement amoureux de Myungsook et les rapports entre les deux hommes s'enveniment... Gyungsoo reprend alors le train. Une nouvelle rencontre l'attend.
Titre original : Saenghwalui balgyeonAvec Seon-young, Myung-sook, Kim Sang-kyung
Directeur de la photographie : Choi Youngtaek
Durée : 111mn
Année de production : 2002
Date de sortie : 28 Janvier 2003
#2 Résumé du film « La femme est l’avenir de l’homme »Les premières neiges sont tombées sur Séoul. Deux amis de longue date se retrouvent, et décident de partir sur les traces d'un souvenir : Sunhwa, une jeune fille dont ils étaient amoureux quelques années au paravant. Trouveront-ils un peu de bonheur dans la poursuite de leur passé ?
Titre original : Yeojaneun namjaui miraedaAvec K. Taewoo, Y. Jitae, S. Hyunah
Directeur de la photographie : Choi Youngtaek
Durée : 84mn
Année de production : 2003
Date de sortie : 19 Mai 2004
Critique subjective :
Ces dernières années le cinéma Coréen révèle de nombreux talents dont
Kim Ki-duk avec des films comme L'Ile (2000), Samaria (2004), Adresse inconue (2004) ou Printemps, été, automne, hiver... et printemps (2003) dans lequel il tient le rôle d'un moine. On a aussi pu découvrir l’acteur
Choi Min-shik dans le percutant
Old Boy (2004, critique cinéma) de Park Chan-wook et dans
Ivre de femme et de peinture (2001) du réalisateur Im Kwon-taek. On peut aussi citer dans un autre genre une réalisation plus commerciale,
le film d’animation Coréen Wonderful Days de Kim Moon-Saeng.
Depuis 1998 Hong Sang-Soo a commencé à développer son cinéma et compte maintenant parmi ces cinéastes coréens à suivre.
Hong Sang-Soo a commencé sa carrière avec le 1er film d’une trilogie, Le jour où le cochon est tombé dans le puit (1996) qui a reçu le Tiger Award au festival de Rotterdam, puis il a réalisé La province de Kangwon (1998) et La Vierge mis à nu par ses prétendants (2000) pour lesquels il reçoit la Mention Spéciale Un Certain Regard au festival de Cannes. Il connaît un franc succès avec Turning Gate (2002) puis son film La femme est l’avenir de l’homme (2004) est sélectionné pour la Compétition du festival de Cannes.
Le réalisateur a une méthode personnelle d’écriture de ses films qu’il conçoit en faisant des agencements de scènes et de dialogues collectés petit à petit.Parmi les acteurs des deux films il faut noter la présence de l
’acteur Kim Sang-kyung qui interprète Gyung-soo dans Turning gate. Kim Sang-kyung était aussi présent dans le casting de l’excellent Polar Coréen Memories of murder (2003, critique cinéma) du réalisateur de Joon-ho Bong où il interprétait le détective Tae-yoon Seo.
Dans le cinéma de Hong Sang-Soo ce qui frappe très vite au niveau formel c’est un cadrage qui exploite peu les gros plans au profit de plans larges peu mobiles qui s’autorise quelques panoramiques et un montage cut peu dynamique. La caméra semble vouloir se faire oublier en donnant à voir des scènes où les personnages évoluent et jouent avec la profondeur d’une perspective dans la rue, un couloir, un bar, un restaurant, des appartements ou selon l’axe vertical avec un jeu entre le premier plan et l’arrière plan comme par exemple dans la femme est l’avenir de l’homme où les deux hommes sont assis dans un bar près de la vitrine et regardent une femme qui attend dans la rue sur le trottoir d’en face.
Dans La femme est l'avenir de l'homme, il y a comme une volonté de maintenir un continuum temps identique pour les scènes rapportées au passé et celles du présent. Pas de différenciation entre les scènes relatant les souvenirs des amants et celles où l'on voit leur retrouvailles.
Ceci se déroule comme si le circuit entre les deux continuum était trop petit pour qu'il y ait une différenciation à envisager. Hong Sang-Soo impose la vérité toute nue sans hiérarchie.
Cependant, le gros plan peut être mis à profit par Hong Sang-Soo pour servir sa réputation d'être un "cinéaste du détail". Son premier film Le jour où le cochon est tombé dans le puit (1996) s'ouvrait en effet sur un très gros plan et l’on sait que ce souci du détail pousse Hong Sang-Soo a réalisé des films construits en fragments.
Le cendrier éclaté de Turning gate en était le symbole et cette défragmentation est symbolisée dans La femme est l'avenir de l'homme par le thème de la mémoire qui conditionne les retrouvailles entre les deux hommes et la femme.
Mais comme le fait remarquer Claire Denis (Nénette et Boni 1996, Beau travail 1999) dans les bonus on constate aussi que l’univers des deux films se limite pour l’essentiel à des scènes où peu de place est laissée au monde naturel au profit d’environnement urbain. Hong Sang-Soo évite soigneusement (volontairement ou inconsciemment) de céder à l’exotisme que la Corée doit pouvoir permettre puisque l’on en voit pratiquement aucun site touristique ou typiquement Coréen. Il prend soin d’évacuer ces fioritures et impose une forme de froideur du monde contemporain qui expose la vie dans sa plus fascinante évidence.
Alors que Wong Kar-Wai, réalisateur Hong-Kongais est plutôt un cinéaste du couple et de la rencontre amoureuse (La révolution Wong Kar-wai) qu’il filme en montrant les points d’accroche ou de rupture précis, la césure entre deux états des sentiments et de la relation amoureuse,
on a le sentiment que pour Hong Sang-Soo l’essentiel consiste à établir une topologie de repères (les femmes) et de trajets effectués par les hommes errants de femme en femme.
Le cinéma de Wong Kar-Wai accorde la même attention à la femme qu’à l’homme qui se croisent et se recroisent en se rapprochant petit à petit comme deux spirales en révolution finissant par se frôler entre deux portes, tandis que Hong Sang-Soo semble filmer en exposant toute la vérité des hommes à l’écran mais en conservant aux femmes une part de hors champs dont Claire Denis a aussi l’intuition.
Dans Chunking Express, une fille aime un garçon et un garçon aime une fille, la symétrie des couples est respectées tandis que chez Hong Sang-Soo on a des femmes qui sont des repères par lesquelles passent des trajectoires masculines mais elles conservent une forme d’autonomie et de maîtrise.
Les femmes de Hong Sang-Soo semblent imposer un tempo et finalement vivent leur vie amoureuse de manière très indépendante.
Les deux films se terminent d’ailleurs sur des scènes où deux hommes se retrouvent seuls tandis que les femmes poursuivent leur chemin de leur côté.Peut-être comme le dit un des personnages de Wong kar-wai dans Happy Together, quand on est seul on est tous pareil ce qui trouve un écho dans Turning Gate quand Gyung-soo (Kim Sang-kyung) dit en parlant d’une jeune fille qu’elle semble voyager seule. L’errance des personnages que l’on perçoit dans le cinéma de Hong Sang-Soo semble également lié à des personnages qui sont très souvent des artistes (écrivains, cinéastes, danseuses) et sont donc encore plus sujet à l’errance nécessaire sans doute à l’exploration de leur art.
Le titre du film Turning gate fait référence à une légende coréenne, qui raconte qu'un jeune homme, amoureux de la fille d'un Roi, fut décapité par celui-ci, et se réincarna en serpent. Le reptile s'accrocha alors au cou de la Princesse. Sur le point d'étouffer, la jeune fille se rendit, sur les conseils d'un prêtre taoïste, dans un Temple. Elle déposa le serpent devant la porte, et lui demanda de l'attendre quelques instants, pendant qu'elle allait chercher à manger. Mais le reptile fut surpris par un violent orage, et s'enfuit. La porte du Temple fut alors baptisée la Porte Tournante (Turning gate). Cette légende se réalise à la fin du film laissant le héro du film, seul devant la porte de la maison de celle qu’il convoitait.
Dans La femme est l’avenir de l’homme, on nous présente une jeune femme qui recherche une aventure d’un soir avec son professeur qui se retrouvera seul dans la rue alors que la jeune fille part en taxi de son côté.
De ce point de vue Turning gate apparaît plus aboutit que La femme est l’avenir de l’homme. Turning gate peut en surprendre plus d’un pourvu que l’on reste ouvert à ce type de cinéma. Ces films montrent une forme de franchise ou de lucidité qui est particulièrement cinglante et même violente. Comme on dit dans Turning Gate, ce n’est pas facile d’être des êtres humains, mais ne devenons pas des monstres.
Verdict :
On connaissait le réalisateur Hong Kongais Wong Kar-wai, on a découvert le réalisateur Sud-Coréen Kim Ki-duk et il est désormais nécessaire de connaître son compatriote Hong Sang-Soo. Le cinéma d’Asie à la côte et il serait facile de tenter d’imposer des réalisations creuses et des carrières sans lendemain mais Hong Sang-soo produit un des cinémas les plus intelligents et profonds qui sait rendre la vie plus intéressante que le cinéma.