L'histoire :
Ni fiction, ni documentaire, "Dogora" est un film en musique, impressionniste et humaniste. Un jour, Patrice Leconte découvre une incroyable suite musicale symphonique chantée par une centaine d'enfants. Une année plus tard, il se rend au Cambodge. Jamais il n'avait été bouleversé à ce point par un pays. De ces émotions exceptionnelles est née une aventure, une odyssée universelle aussi surprenante qu'émouvante, aussi légère que grave, comme la vie.
Critique subjective :
Patrice Leconte à l’habitude de surprendre tant sa filmographie se veut éclectique. Parmi ses premiers films on compte Les Bronzés(1978),
Les bronzés font du Ski(1979), suivi de près par Viens chez moi, j'habite chez une copine(1981), Tandem(1987), Monsieur Hire(1989),
Ridicule(1996), La Fille sur le pont(1999) et prochainement Les Bronzés amis pour la vie(2006).
Avec Dogora Patrice Leconte propose un film inclassable entre le documentaire et l’hyper-clip contemplatif qui cherche à porter un regard humaniste et étonné sur le Cambodge. Dogora tient d’avantage de la poésie que de toutes les autres formes narratives en cour au cinéma. Le réalisateur nous invite à ouvrir les yeux sur le monde qui nous entoure en cherchant à nous transmettre en image et en musique les émotions qu’il a ressenties en découvrant le Cambodge qu’il visitait en décembre 2002. Il s’agit d’une invitation au voyage que le compositeur Etienne Perruchon accompagne en inventant une nouvelle langue, le Dogorien. Le dépaysement est total bien que les accents slaves du thème musical de Dogora contraste étrangement avec la culture cambodgienne.
Patrie Leconte a rencontré Etienne Perruchon et sa musique en 2002, lors d’une représentation de Leonce et Lena de Georg Büchner. Il a été frappé par sa musique et en particulier par Dogora, un morceau de vingt-cinq minutes aux accents slaves que le compositeur lui avait transmis et qu'il écoute en boucle.
Alors que le réalisateur d’enivrait des paysages, de l’atmosphère et du peuple Cambodgiens, au détour d’une rue la mélodie de Dogora lui revint à l'esprit. Il confie que c’est à cet instant que la décision d’une « union à priori contre nature, de ce pays d'Asie et de cette musique qui évoque parfois l'Europe Centrale, s'est imposée. » Pour réaliser ce projet il a tourné 45 heures de vidéo au format numérique qu’il a ensuite monté avec Joël Hache, la monteuse de ses films depuis plus de 20 ans.
La langue utilisée dans la musique qui accompagne le film n'existe pas. Elle est le fruit de l'imagination du compositeur Etienne Perruchon. " La mélodie des mots devait être si forte qu'elle donnerait un sens aux phrases." Sorte d'Esperanto moderne, cette nouvelle langue s'appelle le Dogorien. Pour le film, l'équipe est partie enregistrer en Bulgarie avec un choeur d'une centaine enfants. Les paroles avaient même été traduites en alphabet cyrillique pour qu'ils puissent les lire : "Il y avait quelque chose de magique à voir ces jeunes artistes apprendre dans leur langue, une langue inventée qu'ensuite tout le monde ressentirait."
Ainsi peut-on lire et entendre « Tash-ki-bi-kou Tash-ki-bi-kou mi-dja Dos-ka-mo Shka-mi-tros Tash-ki-bi-kou » sur les partitions de la bande originale du film, suites de mots inconnus et à la signification encore plus mystérieuse que peut l’être l’Esperanto ou un pidgin forgé dans le brassage des populations. A moins qu’il ne s’agisse du résultat d’une forme de glossolalie. Etienne Peluchon qui est compositeur de musiques de films, de téléfilms et de pièces de théâtre a cherché à inventer un langage imaginaire qui regrouperait toutes les influences vocales européennes. (...). Il voulait inventer une langue avec laquelle la mélodie des mots devait être si forte qu'elle donnerait un sens aux phrases ce qui aboutit au Dogorien, une forme de langue primale à laquelle les jeunes chanteurs de l’Orchestre Symphonique de Sofia ont donnée des accents slaves. Le réalisateur a filmé des images floues de l’Orchestre Symphonique de Sofia pour éviter de reproduire les nombreuses images d'orchestre qui ont déjà été tournées et afin de laisser la part belle aux images du Cambodge.
Patrice Leconte qui est grand-père depuis peu à dédicacé Dogora à Lucie, sa première petite-fille pour qui il aimerait que ce film témoigne des conditions de vie d’autres enfants moins favorisés que ceux des pays européens. Dogora parait particulièrement approprié pour un éveil des sens mais aussi à la rêverie car en dépit d’un montage qui alterne différents thèmes, la musique et la nature du montage captive le regard qui peut s’y oublier.
Verdict :
Dogora est une expérience qui peut s’apprécier mais risque de ne pouvoir être reproduite souvent sans une réelle invention. En effet, on aurait du mal à regarder plusieurs films qui suivraient le même principe et Dogora à la particularité d’être le fruit d’un vrai coup de cœur pour un pays et pour une musique tandis qu’il marque une rencontre importante entre Patrice Leconte et Etienne Perruchon. Si vous aimez les invitations au voyage, Dogora devrait vous séduire et vous bercer bien que ce film touche peut-être aux limites du cinéma.