Laurent, un commandant de brigade de la gendarmerie d’Etretat, prévoit de se marier avec Marie, sa compagne, mère de sa fille surnommée Poulette. Il aime son métier malgré une confrontation quotidienne avec la misère sociale. En voulant sauver un agriculteur qui menace de se suicider, il le tue. Sa vie va alors basculer.
Réalisateur instinctif et intuitif, Xavier Beauvois aime regarder l’âme humain au creux du cœur, dans « Des Hommes et des Dieux » en 2010, il explorait la force de la foi à travers le destin tragique des Moines de Tibhirine, assassinés en 1996. Dans « La Rançon de la gloire » (2014), il suivait le destin pathétique et décalé de deux hommes qui volent le cercueil de Charlie Chaplin, pour en demander une rançon. Enfin avec « Les Gardiennes » en 2016, il s’intéressait à ces femmes qui, pendant la première guerre mondiale ont repris la tâche des hommes et vivaient aux rythmes du labeur et des permissions de leurs maris. Le réalisateur ancre toujours le point de départ de son récit dans la réalité et offre un miroir sur le monde pour mieux interpeller le spectateur.
Avec « Albatros », s’intéresse à plusieurs sujets, d’abord le travail de fond des gendarmes que l’on voit souvent comme des gardiens de l’ordre implacables et détachés, mais dont le métier est bien plus souvent lié à l’empathie afin d’éviter des drames. Ici la brigade d’Etretat qui doit travailler avec finesse et se protéger d’affaires qui peuvent être difficiles à traiter comme les faits d’incestes et de pédophilie. Il y a aussi, le sujet des agriculteurs dont la situation dans notre pays est dramatique. Un travail arasant et des conditions difficiles rendues de moins en moins tenables par des politiques financières et européennes qui ne laissent que très peu de possibilité de survie à des hommes et des femmes laissées à l’abandon par un obscurantisme qui préfère regarder ailleurs, que de prendre en compte la douleur des hommes et femmes de la terre.
Sur un scénario qu’il a co-écrit avec ses complices Frédérique Moreau (Les Gardiennes) et Marie Julie Maille (Des Hommes et des Dieux), le réalisateur va ainsi suivre les pas de ce commandant de Gendarmerie intègre et respectueux des procédures qui va vouloir empêcher un homme de se suicider mais va accidentellement le tuer et se retrouver seul avec sa culpabilité et une procédure qui le met immédiatement en accusation et le lessive autant que l’homme resté sur le sol. Avec une simplicité évidente et une empathie évidente pour les gendarmes comme pour les agriculteurs, Xavier Beauvois va tenter, parfois maladroitement quand même, de mettre en lumière ces deux mondes que l’on peut penser diamétralement opposés, mais qui se révèlent si complémentaires. Avec une véritable maturité, le scénario les différentes facettes de ce drame, y compris la recherche de rédemption psychologique que Laurent va chercher à trouver en partant en bateau, seul, luttant contre les flots parfois déchainés et qui deviendra une sorte d’Odyssée spirituelle et physique.
Concernant la mise en scène le réalisateur choisit tout de même la facilité avec des plans soignés, mais jamais renversants. Ce n’est, en même temps pas le propos, sauf lorsque Laurent est dans son bateau et la mer se déchaine. Avec une volonté de rester au plus proche de son sujet et de se tourner vers des acteurs, dans les deux camps qui ne soient pas professionnels pour toucher au mieux le cœur des spectateurs. Mais voilà, si parfois cela fonctionne, le manque de précision finit par obséder le spectateur plus que le toucher. Un choix assumé par le réalisateur qui se retrouve finalement à compenser par des acteurs plus expérimentés comme Jérémie Renier (L’Ennemi) ou Victor Belmondo (Envole moi). Malgré quelques moments remarquables, chaque fois que le réalisateur touche à l’humain, il ne parvient toutefois pas, à trouver le bon angle pour atteindre l’un de ses buts comme celui de la détresse des agriculteurs.
Le film prend toutefois du relief et du volume lorsque l’on passe à la difficile odyssée de Laurent jouée avec énormément de précision, comme à chaque fois avec Jérémie Renier. L’acteur est juste et sait se mettre à la disposition de ses collèges moins expérimentés pour ne pas les écraser. Il serait toutefois injuste de ne pas souligner le travail des autres comédiens non professionnels qui fournissent toutefois un travail remarquable, même s’il manque parfois de précision.