L'armée des ombres

L’histoire :

France 1942 : dans l’ombre, le réseau de résistance s’organise et mène des actions pour déstabiliser l’occupant nazi.

Critique subjective :

Tourné deux ans après Le samouraï, L’armée des ombres est le onzième long-métrage de Jean-Pierre Melville. Portant nettement la patte de son réalisateur, il s’agit d’une oeuvre éblouissante dont il est, paradoxalement, assez ardu de parler dans la mesure où elle puise toute sa force dans son apparente simplicité picturale (ce dernier adjectif pouvant être employé en l’occurrence tant chaque plan est composé comme un véritable tableau).

Ancien résistant, Jean-Pierre Melville aborde donc un sujet qu’il connaît bien en adaptant le roman de Joseph Kessel : la lutte contre l’oppression allemande dans la France de Vichy. Nous sommes en 1942 et l’hexagone est sous le joug de cet envahisseur nazi avec qui le maréchal Pétain a signé un pacte odieux. C’est dans ce contexte que nous suivrons Philippe Gerbier (un Lino Ventura solennel et absolument parfait dans le rôle), ancien ingénieur des ponts et chaussées engagé dans la résistance. En lien avec Londres, il organise, avec d’autres, différentes actions clandestines. Parmi celles-ci, l’une consistera à se jeter dans la gueule du loup (le quartier général de la gestapo à Lyon) pour tenter de libérer un frère d’armes (une séquence au suspense palpable) ; d’autres opérations, encore plus dramatiques, consisteront à faire le ménage dans ses propres rangs. S’il est une chose que tout le monde s’accordera à dire, c’est que L’armée des ombres montre bien comment la guerre peut changer le citoyen lambda en ce qu’il peut y avoir de plus noble (sorte de monsieur tout le monde, Gerbier accomplit des actes héroïques) ou de pire (la collaboration). En parfaite cohérence avec la mise en scène, le scénario du métrage est volontairement économe en dialogues et aucune parole n’est de trop.

Préférant soigner son ambiance plutôt que de verser dans le spectaculaire, Melville délivre des visuels froids et tirés au cordeau. Chaque cadre est composé avec la plus grande minutie, chaque mouvement de caméra parfaitement pensé. A l’avenant, le montage est au scalpel. Baignés par une magnifique photographie sombre (Pierre Lhomme), les décors froids et quasi-déserts se succèdent à l’image. C’est comme si l’on pouvait sentir tout le poids de l’occupation, comme si elle investissait sournoisement chaque recoin de l’image. Rehaussant ce climat menaçant (la trahison et la délation rôdent), la musique d’Eric De Marsan vient sertir le film de sa mélodie sourde.

Verdict :

Epuré, froid et d’une précision chirurgicale, L’armée des ombres est l’un des meilleurs films de Jean-Pierre Melville, une oeuvre absolument remarquable qui mérite de figurer en bonne place dans le patrimoine cinématographique français.

Des visuels qui atteignent l’excellence grâce à une restauration pointue. Grâce à ce long travail de nettoyage et de reconstitution, tous les effets du temps ont été gommés. La définition est précise et l’étalonnage du film, avec ces superbes visuels sombres et très contrastés, est parfaitement respecté. Ce n’est d’ailleurs pas le fruit du hasard puisque l’on sait que le directeur de la photographie du film (Pierre Lhomme) a activement participé aux travaux de restauration.

Deux pistes de qualité plus qu’honorable pour un métrage qui affiche plus de trente années au compteur. En Dolby stéréo comme en mono (restauré), le rendu sonore est très satisfaisant : clair, précis et bien mixé. La qualité est donc aussi au rendez-vous au niveau audio.

 

- La bande-annonce (3 minutes).

- Les filmographies : Jean-Pierre Melville, Simone Signoret, Lino Ventura, Jean-Pierre Cassel.

- La collection : visuels des autres tires de cette collection consacrée à Simone Signoret.