L’histoire :
Pendant que son ami craint de rendre l’âme et de recevoir la visite de la charrette fantôme, David Holm, un sans-logis, fait une rencontre qui pourrait bien changer sa vie en croisant le chemin de sœur Edith, une jeune religieuse résolue à le sortir de l’ornière.
Critique subjective :
Réalisé en 1939 par Julien Duvivier, La charrette fantôme est, depuis sa sortie, considéré, à juste titre, comme l’un des fleurons du cinéma fantastique hexagonal. Le métrage a donc tout à fait sa place à côté des Yeux sans visage ou de La Belle et la bête, deux autres grands classiques du genre en France.
Peut-être plus encore qu’une œuvre fantastique, le film de Duvivier est une saisissante peinture sociale, une plongée dans la misère. Bienvenue chez les pauvres, les clochards, les sans-logis. Hommes et femmes en haillons, tiraillés par la faim et souvent rongés par la boisson. Les fantômes d’une existence confortable désormais lointaine.
Parmi eux, il y a « L’étudiant », un homme que l’instruction n’a pas préservé de la rue. Il raconte l’histoire de la charrette fantôme, un véhicule que conduit un terrifiant charretier, missionnaire de la grande faucheuse remplacé chaque 31 décembre à minuit par le dernier malheureux dont il vient prélever l’âme. Seuls ceux dont la fin est imminente peuvent entendre les effroyables grincements produits par les roues du véhicule ectoplasmique. Poignardé lors d’une rixe, L’étudiant craint de mourir et de devoir endosser le rôle du charretier pour un an.
Unique lueur dans cette ambiance pesante : Sœur Edith (Micheline Francey), une jeune religieuse qui, animée par une inébranlable foi en l’être humain, se tue littéralement à la tâche, se consacrant corps et âme au nouveau refuge ouvert par le secours catholique. Elle s’intéresse tout particulièrement à David Holm (Pierre Fresnay), un miséreux qu’elle pense pouvoir remettre sur le droit chemin.
Conte fantastique superbement éclairé et mis en scène (voir notamment ces plans magnifiques sur les visages des comédiens), La charrette fantôme constitue également un témoignage cinématographique sur une sombre époque, celle à laquelle la France et l’Europe s’apprêtaient à traverser leurs heures les plus noires. Impossible de ne pas faire le parallèle entre l’inéluctable venue de la charrette et la montée du péril nazi (Duvivier allait d’ailleurs s’exiler aux Etats-Unis peu de temps après la fin du tournage). Si l’on relève bien quelques éclairs d’espoir dans le métrage (la rédemption semble toujours possible), l’ambiance n’en demeure pas moins profondément pessimiste, sinon désespérée, comme marquée au sceau du contexte historique dans lequel le film fut réalisé.
Verdict :
Revêtant un intérêt à la fois cinématographique (esthétiquement, le film est un sans faute) et historique (le métrage est une puissante métaphore sur son époque), La charrette fantôme est une œuvre à (re)découvrir. Un classique tout sauf poussiéreux.