L'histoire :
Shinichi est un instituteur qui mène une vie minable : ses élèves le chahutent et sa famille n’a aucun respect pour lui. Pour s’évader de cette triste routine, il se fabrique le costume super héro de son enfance et s’invente des aventures. Alors que des extra-terrestres arrivent sur Terre, Shinichi découvre qu’il a réellement des super-pouvoirs… Il est devenu Zebraman !
Critique artistique :
Comme le disait
Takashi Miike dans les bonus du coffret DVD de la
trilogie Dead or Alive, « il faut garder ses distances avec le cinéma ». Il semble que le réalisateur japonais tonitruant qui a tourné plus de 60 films depuis 1991, dont plus de la moitié destinés au seul marché de la vidéo suive cet adage à la lettre si l’on en juge la distance qu’il faut adopter pour signer un film tel que Zebraman. Sa filmographie nous a pourtant habitué à son style déjanté mais avec Zebraman on touche à une forme mutante du film de super-héros croisé avec la mythologie des nombreuses séries télévisées nippones dans la filiation desquelles s’inscrivent entre autre la série des Bioman ou Flashman ( voir l'avatar chinois
The super Inframan 1975). Dans la galaxie cinématographique de
Takashi Miike, Zebraman se situe quelque part entre
Plan 9 from outer space (1956)
d’Ed Wood et Mars Attacks ! (1996) de
Tim Burton (
Ed Wood 1994). Ce qui est agaçant chez le réalisateur nippon est aussi ce qui le rend attachant car il ose faire les plus invraisemblables agencements de genres, styles, et thématiques à la fois sous la direction d’une authentique pensée cinématographique et en même temps avec une liberté que
Takeshi Kitano avait lui-même qualifié de Guerilla Style en parlant de Dead Or Alive notamment.
Si on décortique le film, on retrouve de nombreux emprunts faits autant à des films de science fiction qu’à des séries télévisées d’invasion extra-terrestre ou de super-héros. D’une certaine manière on pourrait dire que Zebraman est un film typiquement japonais par la manière qu’à
Takashi Miike de raconter l’histoire d’un super-héros très proche de tout ceux que les innombrables mangaka on pu faire naître et que le cinéma et la télévision n’ont eu de cesse de mettre en mouvement. On pense pêle-mêle à Bioman (les effets spéciaux et les combats contre les monstres comme l’homme-crabe), Godzilla (l’énorme gelé vivante verte que doit affronter Zebraman), les chevaliers du zodiac (Zebraman se transforme en Zebre volant tel pégase lors d’une attaque) pour la partie japonaise et Mars Attacks ! (les petits extra-terrestres verts et gélatineux),
Le village des damnées (les enfants possédés),
Zorro ( Zebraman signe d’un Z qui veut dire Zebraman sur le front de la grosse gélatine géante) ou encore les comics américains qui ont donné vie à des super-héros très humains qui se découvrent des talents particuliers à la faveur d’un hasard de la vie.
Takashi Miike s’amuse en mélangeant sans complexe tout ces ingrédients (on a même droit à une courte séquence animée où un personnage dessiné se redresse et bouge dans la scène) mais il prend soin de construire un dispositif narratif sophistiqué. En effet, avant que Shinichi, modeste instituteur ne devienne Zebraman le super-héros, on découvre un personnage profondément humain, presqu’un looser qui rêve de devenir un être exceptionnel. Non seulement la révélation du super-héros se produit en conférant à Shinichi de vrais pouvoirs surnaturels mais en plus on découvre que la conjoncture des événements est soumise à des scénarii télévisées écris par le directeur de l’école où enseigne Shinichi et conçus à l’origine pour la série télévisée Zebraman, malheureusement interrompu après les premiers épisodes. A cela se rajoute une couche narrative qui en emprunte à l’archétype de l’invasion extra-terrestre accidentelle telle que l’on a pu le voir dans de nombreuses histoires inspirées de l’affaire de Roswell (voir la
série télévisée Roswell par exemple).
Dead or alive explorait déjà les possibilités narratives offertes par une trilogie qui se termine dans un futur improbable mais ressemblait fortement à une sorte d’essais cinématographique ouvert à toutes les expérimentations. Zebraman bien que s’inscrivant dans un processus de mixage et de mutation d’une forme de représentation à une autre au gré des envies du réalisateur et de l’histoire semble déjà un peu plus cadré. La mixité cinématographique des images produitent par Takashi Miike s’expliquent aussi par son cursus qui l’a déjà amené à réaliser des pubs ou des vidéo clips mais également par la culture japonaise qui laisse une grand part à des formes de représentations très diverses en particulier dans le monde du manga et des animés. Diplômé de l'Academy of Broadcasting and Film de Yokohama,
Takeshi Miike qui a débuté sa carrière comme assistant réalisateur entre autre pour
Shohei Imamura, qui fut son professeur à Yokohama est un réalisateur qui devrait finir par produire des œuvres majeures et achevées à l’image des derniers films de
Shohei Imamura. En attendant, il est indéniable que le réalisateur est un des cinéastes les plus audacieux actuels, peu enclin à se conformer aux standards des genres si ce n’est pour les détourner et leur faire subir les derniers outrages.
Verdict :
Avec Zebraman, Takashi Miike livre une vision kitsch et authentique du film de super-héros en réactualisant les codes d’un genre très à la mode c’est temps-ci avec les nombreuses adaptations cinématographiques de comics américains tels que Spiderman, Batman, Hulk, Les Xmen, Daredevil ou Superman. Un film qui peut laisser perplexe mais finit par s’apprécier en particulier grâce à une certaine dose d’humour que le réalisateur sait distiller dans ses réalisations.