L'histoire :
Trois époques, trois histoires, 1911, 1966, 2005, incarnées par le même couple de comédiens. Ce conte sentimental évoque ainsi la triple réincarnation d'un amour infini...
1966, Kaohsiung, le temps des amours : Chen tombe amoureux de May, rencontrée dans une salle de billard. Mais il doit partir faire son service militaire.
1911, Dadaocheng, le temps de la liberté : Une courtisane est éprise d'un révolutionnaire qui la néglige, préférant se consacrer à ses activités politiques.
2005, Taipei, le temps de la jeunesse : Jing, jeune chanteuse épileptique, vit une aventure avec une femme, Micky. Employé dans une boutique de photos, Zheng trompe Blue, sa petite amie, avec Jing.
Critique artistique :
Hou Hsiao-hsien (HHH) nous le savons maintenant est un cinéaste de classe internationnale dont le nom est associé autant avec la nouvelle vague taiwanaise qu’au festival de Cannes où il a déjà présenté 6 films et qui a aussi commis un très beau film de commande en hommage à Yasujiro Ozu en réalisant
Café Lumière (2004) en dépit d’un esprit d’indépendance qui le pousse à être plutôt défavorable à tout travail de commande. HHH est considéré comme l’animateur principal de « la nouvelle vague taiwanaise » et a vu son talent reconnaître par divers prix dont le prix de la critique internationale 1985 à Berlin avec
Un temps pour vivre, un temps pour mourir (1985), le Lion d’Or à Venise avec La cité des douleurs (1989) en 1989 ou le prix du jury du festival de Cannes pour Le maître de marionnettes (1995). Au festival de cannes en 2001, HHH avait montré Millenium mambo en même temps que
De l’eau tiède sous un pont rouge du maître japonais
Sohei Immamura, décédé il y a peu.
HHH a largement contribué à lancé la carrière de la très jolie Shu Qi que l’on connaît plus pour son rôle dans
Le transporteur (2002) mais dont on pourra apprécié le travail de comédienne surtout dans des films comme Millenium Mambo (2001) ou Three Times (2005). Aux côté de
Shu Qi on retrouve,
Chang Chen (
Happy Together, Eros,
2046) un acteur promis à un grand avenir si l’on en juge par la qualité de son jeu tout en finesse et qui fait penser à l’acteur coréen
Cho Jae-hyeon que l’on a pu voir dans
Bad Guy (2002) de
Kim ki-duk ou
Sword in the mood (2004).
Le titre original de Three Times signifie « Nos meilleurs moments » et le réalisateur a essayé de montrer en quoi ces souvenirs ne sont pas meilleurs que d’autres mais qu’on les considère comme tel car ils ne peuvent être revécu. Three Times devait donc être construit à partir de l’évocation de trois périodes différentes confiées à trois réalisateurs différents. Hwarng Wern-ying devait s’occuper de la période 1911,
HHH de la période des années 60 et Peng Wen-chung de la période du XX siècle. Hwarng Wern-ying et Peng Wen-chung devaient ainsi passer à la réalisation pour la première fois et chaque réalisateur devait réaliser la partie qui correspondait à ses propres meilleurs souvenirs. Mais faute de disponibilité les deux réalisateurs renoncèrent en décembre 2004 et Hou Hsiao-hsien qui était en pleine occupation politique a commencé à réfléchir à la structure du film que l’on connaît. Il est donc normal de constater une forte nostalgie dans ce film et en particulier dans celle qui se déroule en 1966 à Kaohsiung durant ce que HHH a appelé « le temps des amours ». A cette période le réalisateur était militaire et avait entretenu une correspondance avec une jeune femme qui travaillait dans une salle de billard comme Shu Qi dans Three Times.
Pour sa propre histoire, sur la période 1966 il constate que tout était plus simple et qu’à notre époque les choses sont plus compliquées car les personnes passent beaucoup trop de temps à faire des choix et n’ont pas les moyens de trouver leur place.
HHH conclu que la meilleure période est celle de sa jeunesse mais probablement la meilleure période est toujours celle où tout est encore possible. Il est vrai que la période où surviennent les premiers amours alors que l’on est encore dégagé de la plupart des responsabilités des adultes engagés dans la vie rend les contingences de l’existence plus facile à vivre car moins présentes. Il poursuit l’histoire d’amour transhistorique par une incursion dans l’année 1911 à, Dadaocheng pour explorer le temps de la liberté. Cette partie centrale du triptyque est très intéressante sur le plan formel en explorant une forme proche du cinéma muet. Cependant le dispositif mis en jeu par HHH est aménagé afin de lui permettre de conserver les dialogues entre personnages et d’éviter les fameuses expressions exagérées et caractéristiques du jeu des acteurs du muet. On passe donc d’une mise en scène classique à une mise en scène par tableau, plus statique entrecoupée par des dialogues écrits à l’écran avec un accompagnement au piano. La troisième partie nous ramène en 2005 à Taipei pour vivre le temps de la jeunesse qui ramène vers l’univers de Millenium Mambo.
Le réalisateur dit beaucoup aimer le chaos et la troisième partie est en quelque l’expression de ce chaos où l’on suit les personnages dans un chaos urbain de Taipei. On y suit
Shu Qi, une jeune femme dont la bisexualité reflète l’hésitation contemporaine qui était déjà présente dans Millenium Mambo et que le chaos de Taipei reflète. De même le personnage incarné par Shu Qi est une artiste multi-facette, chanteuse, qui est présente sur Internet grâce à un site personnel, expression du réseau où elle laisse des textes sur sa vie et qui la présente sous un jour toujours différent. Cette partie contemporaine est plus à l’image des meilleurs moments de
Shu Qi ou
Chang chen qu’à celle de HHH, nostalgique de ces années sauvages (en référence au film
Nos annés sauvages de
Wong Kar-wai) dans les années 60, le temps des amours.
Verdict :
Cette fois HHH livre un triptyque dont la lenteur peut bercer la nostalgie des amoureux ou celle des amours passées dans une belle édition DVD. Three Times est un beau film mais dont le rythme pourra endormir certains. Un film somme qu’il peut être intéressant de visionner avec les films de HHH dans le rétroviseur.