L’histoire :
Itinéraire cahoteux et chaotique d’une bande de petits voyous dans le Japon de 1968.
Critique subjective :
Aux yeux du spectateur occidental moyen, Kinji Fukasaku (1930 – 2003) reste, tout au plus, l’homme à qui l’on doit Battle royale (2001), à la fois formidable brûlot et preuve ultime qu’à plus de soixante-dix ans le réalisateur n’avait rien perdu de sa verve. Pour le cinéphile, Fukasaku demeure surtout le metteur en scène qui aura su repopulariser le film de yakuzas (Combats sans code d’honneur, Le cimetière de la morale, Okita le pourfendeur, …) à un moment où le genre était quelque peu tombé en désuétude. Réalisé en 1968, Kamikaze club (Blackmail is my business) préfigure largement cette légendaire série de films consacrés à la pègre nippone.
Kamikaze club nous narre l’ascension de quatre petites frappes qui, dans un Japon en plein essor économique, décident de se spécialiser dans une activité à fort potentiel lucratif : le chantage. En même temps qu’ils s’improvisent maîtres chanteurs, nos voyous mettent les pieds dans un engrenage destructeur. Le crime est un métier qui ne laisse qu’un temps une place aux amateurs. Ils l’apprendrons à leurs dépends. Pour qui est familier des yakuzas eigas estampillés Fukasaku, Blackmail is my business surprend de par son caractère moins cru. On est frappé par la légèreté du ton (presque humoristique en tout début de métrage) et par l’absence de personnages nihilistes (ceux-là même qui hanteront toute sa filmographie par la suite).
Au niveau formel, nous sommes davantage en terrain connu. On peut ainsi relever que le style visuel de Fukasaku s’affirme, que sa patte prend forme avec précision. La caméra, qui semble comme atteinte de frénésie (voir le nombre conséquent de zooms avant et arrière), se trouve transcendée par un découpage au scalpel. Au-delà des célèbres freeze frames (ces arrêts sur images chers au réalisateur), le montage distille une formidable sensation de mouvement perpétuel, livre un impressionnant entrelacement de moments passés et présents et insuffle une forte portée symbolique à certains photogrammes (réminiscence du plan sur le cadavre flottant d’un rat).
Verdict :
Sans doute assez hermétique pour le spectateur moyen (le nombre considérable de plans donne une impression de longueur), Kamikaze club s’adresse surtout au féru de cinéma nippon qui y identifiera toutes les germes d’une personnalité visuelle qui allait exploser dans les œuvres suivantes.
Une copie au format respecté (2.35) et à l’aspect très satisfaisant. Pour un film tourné en 1968, Kamikaze club se porte aujourd’hui très bien en DVD. Les signes du temps sont quasiment indécelables, la colorimétrie reluisante et le contraste satisfaisant. Ajoutons à cela une compression des plus discrètes et nous tenons là une image de bien belle qualité.
Un mono d’origine qui ne déçoit jamais. Le rendu est clair et dynamique. Si l’ensemble manque d’ampleur (logique), la piste proposée remplit néanmoins son office de façon très convenable. Japonais sous-titré de rigueur (pas de version française à l’horizon).