L'histoire :
Dans les années 50, en Nouvelle-Zélande, La vie de Pauline Parker, adolescente timide et complexée, bascule le jour où arrive dans sa classe Juliet Hulme, une jeune anglaise brillante et arrogante. C’est le début d’une étrange amitié entre les deux jeunes filles. La relation qui s’installe entre elles les coupe du monde et des autres ; elles s’inventent des histoires et des univers sont leurs proches, de plus en plus inquiets, sont exclus. Mais les deux jeunes filles sont prêtes à tout pour rester ensemble, quitte à commettre le plus abominable des crimes …
Critique artistique :
Les trois premiers films du réalisateur néo-zélandais Peter Jackson avaient été très remarqués dans le genre fantastique « gore », mêlant humour et mauvais goût délibéré. Il produisit, écrivit, joua, monta et fit une partie des maquillages de Bad Taste (1987), puis réalisa Meet The Feebles (1989) un film de marionnettes avant de commettre le terrifiant et parfois hilarant Braindead (1992), grand prix du Festival d’Avoriaz 1993. Créatures célestes (1994) vient juste après et laisse une aura étrange du fait à la fois de son nom mystérieux, du fait réel dont s’inspire le film et de la puissance d’évocation de l’univers particulier de deux adolescentes que Virgin Suicide (1999) de
Sofia Coppola rejoint par certains aspects. Peter Jackson compte également à son actif le film
Fantômes contre fantômes (1997). L’exploration des genres fantastique / horreur par le réalisateur lui a permis de s’attaquer en particulier à la trilogie Le seigneur des anneaux, marathon cinématographique mobilisant des équipes imposantes sur plusieurs années et au remake de
King Kong, un film qui a marqué son enfance.
Pour ce film Peter Jackson avait réunit un casting peu connu bien que l'on y retrouve notamment Kate Winslet qui n'avait alors tournée que dans des séries télévisées mais offrait l'avantage d'avoir une formation de comédienne. On la revit d'ailleurs peu après Raison et Sentiments (1995) de
Ang Lee qui a nous a gratifié du très beau
Le secret de Brokeback Mountain (2004) puis Jude (1996) et surtout le colossal succès, Titanic (1997) de James Cameron aux côtéde Léonardo Dicaprio. La débutante mais déjà douée Melanie Lynskey poursuit également une carrière cinématographique et l'on a pu la voir dans quelques épisodes (2003) de la série Télévisée The Shield.
Créatures célestes raconte une de ces relations passionnelles entre deux êtres qui entendent bien défendre une amitié fusionnelle mettant en partage une vision fantasmée du monde. L’amitié exclusive de Pauline Parker (Melanie Lynskey) et Juliet Hulme(
Kate Winslet) et le drame qui s’en suivit reste un fait divers marquant des années 50 en Nouvelle-zélande. Selon les propres mots de Peter Jackson, les deux jeunes filles étaient considérées comme les êtres les plus maléfiques du monde et jugées détraquées ce qui est une manière d’écarter la possibilité d’une forme exacerbée d’amitié. L’histoire de Pauline et Juliet s’inscrit dans la tradition de duos terribles du cinéma tels que Bonnie and Clyde (1967) de Arthur Penn, Telma et Louise (1991) de
Ridley Scott ou Harold et Maude (1971) de Hal Ashby bien que les motivations de ces personnages ne sont pas forcément les mêmes et que leurs histoires diffèrent nettement. Le point commun entre ces duos est la force d’un amour qui les conduit à dépasser les bornes.
L’histoire est d’autant plus troublante que la relation entre les deux jeunes filles semble tout à la fois être d’amitié et d’amour comme enchâssée dans la virtualité qu’autorise l’adolescence, étape où les allers-retours entre une forme d’indifférenciation des tendances et la construction d’une personnalité confère une grande mobilité de l’imagination. L’imagination est d’ailleurs portée à l’écran par Peter Jackson de manière assez inattendue qui justifie que le nom du film évoque des créatures célestes, imaginées, fantasmées par deux esprits qui s’inventent un univers où les pulsions et les sentiments semblent comme matérialisés dans des figurines de terre. L’invention ne s’arrête pas à un univers fantasmatique puisque le goût des deux personnages se synchronise autour de choix musicaux (autour du ténor italien Mario Lanza) ou de rituels quasi initiatiques durant lesquels elles trouvent l’entrée de leur univers menacé par les tentatives de séparations de l’entourage bienveillant mais dérouté.
Verdict :
Créatures célestes (1994) est un film à découvrir au plus vite que vous soyez fan du cinéma de Peter Jackson où de ces plus récentes réalisations comme Le seigneur des anneaux. On y retrouve l'inventivité propre au réalisateur et bien que l’édition DVD est simple et dépourvu de bonus, Opening a eu la bonne idée de pourvoir cette édition d’une image et de pistes audio satisfaisantes.