Walt Kowalski est un ancien de la guerre de Corée, un homme inflexible, amer et pétri de préjugés. Depuis le décès de sa femme, cet homme vit reclus, avec pour seule compagnie sa chienne Daisy. Lorsque le jeune Thao, poussé par un gang, tente maladroitement de lui voler sa voiture, la vie de Walt va prendre un autre tournant.
C’est presque devenu un habitude chez lui maintenant mais Clint Eastwood nous vend un film et nous en présente un autre. Car ici, de la même manière qu’avec « Million Dollars Baby », la promotion du film tourne autour du personnage interprété par le réalisateur, en forçant le trait sur l’aspect ancien militaire de Corée, qui use de son fusil comme d’un stylo, qui n’a peur de rien, mais qui impressionne tout le monde, une sorte de mélange entre L’inspecteur Harry et Josey Wales. Une promotion, qui tourne autour d’un éventuel film d’action, comme a su le faire de nombreuses fois auparavant le réalisateur, mais qui se révèle une œuvre totalement inspirée dont la maitrise est d’une exceptionnelle sobriété.
Car si le scénariste Nick Schenk signe là sa première œuvre, avec un pitch finalement minimaliste, l’intelligence de son auteur et la vision du réalisateur en fond une œuvre de premier ordre dans la carrière de Clint Eastwood, autant que dans celle de l’industrie cinématographique. Car finalement, jamais réalisateur n’aura autant excellé dans ses œuvre que ce monsieur. Car si l'on fait le décompte de ces dernières années : chaque film sortit par le réalisateur est une preuve nouvelle de sa vision particulièrement juste des œuvres qui l’inspire. Ici, Clint Eastwood profite du scénario pour faire une sorte de bilan de sa propre carrière. Il emmène le film, bien-au delà d’un énième Inspecteur Harry, il joue de ses rôles passés, tout en les honorant. Clint Eastwood tire un trait sur son passé de baroudeur et nous donne un film magnifique d’humour, de tendresse, et d’émotion pure. Comme s’il voulait unir tous les spectateurs de ses films précédent en un seul.
Mais bien sur, le film ne s’arrête pas simplement à l’osmose qui a put naitre entre le scénariste et le réalisateur, il ne touche la perfection que par la qualité de Clint Eastwood de diriger ses acteurs. Car même si le jeu du jeune Bee Vang, dont il s’agit de la première apparition au cinéma, est parfois inégal, ses imperfections viennent renforcer une facette émotionnelle du film voulue par le réalisateur, qui tire profit des imperfections pour mieux, magnifier son sujet. Le vieil acteur en fin de route donne le relais au petit jeune qui fait ses premiers pas. Sans vouloir être offensant envers Clint Eastwood, « Gran Torino » sonne comme un film testament, dans lequel Clint l’acteur et Eastwood le réalisateur se livrent à cœur ouvert et font un bilan amicale et nostalgique d’une carrière particulièrement bien remplie.
Et l’œil avisé du réalisateur a encore bien fonctionné, puisque la distribution comprenant des acteurs Hmong, pour la plupart non professionnels. A commencer par le jeune Bee Vang (Tao) qui parvient à réellement s’imposer face à la légende qu’est le réalisateur. Malgré un jeu parfois maladroit, il parvient totalement à donner une composition juste de son personnage. De même que la jeune Ahney Her, qui rayonne littéralement à l’écran et dont la performance devrait assurément ouvrir de nombreuses portes.
Pour finir, il faudrait dire encore beaucoup de chose sur ce film afin de lui rendre hommage, tant l’émotion, la générosité et la tendresse sont les principales valeurs de l’ensemble, mais il en est une que l’on a pu entendre partout et qui semble surévaluée : Non « Gran Torino » n’est pas meilleur que « Million Dollars Baby », mais il le vaut largement, et sa maitrise et ses qualités le font, de toute façon, rentrer au panthéon des œuvres majeures du cinéma américain.