En 1994, l’élection de Nelson Mandela consacre la fin de l’Apartheid, mais l’Afrique du sud reste une nation profondément divisée sur le plan raciale et économique. Pour unifier le pays et donner à chaque citoyen un motif de fierté, Mandela mise sur le sport, et fait cause commune avec le capitaine de ma modeste équipe de rugby sud-africaine. Leur pari : Gagner la coupe du monde.
Clint Eastwood (Gran torino) garde un don incroyable pour mettre en avant la personnalité des gens. Il possède aussi un talent réel pour nous vendre un film et nous en présenter un autre. Pour son nouvel opus, le réalisateur ne déroge pas à la règle, même si le traitement de son sujet semble, d’un coup, plus consensuel que tout ce qu’il nous avait présenté jusque là. Ici, donc Nelson Mandela, la figure la plus emblématique de la lutte contre le racisme et la haine. Un homme extraordinaire qui passa toute sa vie à lutter contre les inégalités dans son pays et particulièrement contre l’Apartheid, un régime d’oppression sur le peuple noir, indien et métisse au profit de la population blanche, pourtant minoritaire. Nelson Mandela est allé bien au-delà de la simple lutte pour que son peuple regagne ses terres, il est allé chercher la paix et l’union, pour que son pays ne soit plus un symbole de division, de haine et de survie des idéaux fascistes. S’attaquer à ce personnage c’est toujours risquer de passer à côté de l’essentiel de son combat. Et Clint Eastwood en a parfaitement conscience. Le réalisateur et son scénariste Anthony Peckham (Sherlock Holmes) ont donc tout naturellement choisi la coupe du monde de rugby de 1995, où l’Afrique du Sud, sous l’impulsion de son président, s’unifia pour supporter son équipe nationale.
Le scénario porte ce symbole à bout de bras, en évitant de justesse de forcer le trait et d’ainsi sombrer dans la caricature. Car il faut bien le dire, Nelson Mandela est un personnage particulièrement difficile à décrire, sans en faire une icône un peu trop idyllique. Et Anthony Peckham s’en sort plutôt bien, il dépeint un Mandela controversé dans son pays, qui certes vient d’abolir l’Apartheid, mais ne parvient toujours pas à l’unification dont il rêve. Le président tente alors à tout prix de faire en sortes que les différents clivages de la nation finissent par trouver une même cause : « One Team, One nation ». Le scénario souffre d’ailleurs de ce besoin de porter une icône et ses valeurs, sans vouloirs trop en gratter les nuances, car il fait ouvertement l’impasse, sur les zones d’ombre qui entourent cette victoire.
Et Clint Eastwood, d’ailleurs dans sa réalisation ne semble d’ailleurs pas très à l’aise. Car sa mise en scène se veut cordiale, professionnelle, comme on aime le voir, avec des profondeurs soutenues, des nuances de couleurs pesées au gramme prêt, mais les scènes de rugby sont des plus décevantes. Le réalisateur ne connait pas bien ce sport et cela se voit à l’écran. La caméra a beaucoup de mal à s’imposer et les effets sonores amplifient un peu trop les images. Ainsi Clint Eastwood a recours systématiquement au ralenti pour les mêlées, et les chocs entre joueurs. Pour le reste, le réalisateur maitrise, et fait honneur au prix Nobel de la Paix, en montrant sa force et ses faiblesses. Porté, par une distribution impeccable, le film n’en demeure pas moins une réussite.
Morgan Freeman (The Dark Knight) incarne un Nelson Mandela, convaincant et convaincu. L’acteur donne au personnage une véritable dimension à la hauteur de ce qu’il est. Tout en nuance dans son jeu, l’acteur croit en son personnage et semble adhérer totalement au message qu’il véhicule. Quand à Matt Damon (Will Hunting), il prouve, une fois de plus que son talent ne se limite pas à son physique, mais qu’il sait s’inspirer de son sujet pour mieux le servir. Les deux acteurs forment un duo convaincant à l’écran, et le message que voulait passer le réalisateur passe d’autant mieux.
En conclusion, « Invictus » est encore une fois, une très belle réussite dans la carrière de réalisateur de Clint Eastwood, même s'il semble impressionné par son sujet et parait ne pas maitriser le rugby. La distribution impeccable vient faire la balance de toutes ces faiblesses.